Longtemps exclusif aux possesseurs de Wii japonaises, 428 : Shibuya Scramble aura finalement mis dix années avant de traverser les grandes étendues eurasiennes et débarquer dans nos Playstation 4 occidentales. Auréolé d’un 40/40 dans le magazine Famitsu, le titre de Spike Chunsoft bénéficiait jusqu’à présent d’une réputation flatteuse quand bien même le visual-novel ne soit pas le genre le plus populaire dans nos contrées. Mais cet état de grâce va-t-il perdurer une fois traduit et malgré le poids des âges ?

Ce test de 428 : Shibuya Scramble a été réalisé sur une version fournie par l’éditeur. 

Il fût une époque par encore si lointaine où le seul moyen de mettre la main sur des titres comme Final Fantasy, Dragon Quest ou encore Ys était de se rendre chez son revendeur de jeux import favori et de se délester d’une grosse poignée de francs euros avant de se perdre dans des textes au mieux traduits en anglais. Invraisemblable de nos jours, tant ces licences se sont imposées dans le paysage vidéoludique occidental au point de devenir des incontournables du genre. Mais si les jeux nippons se sont petit à petit ouverts aux joueurs français, il reste tout de même un genre qui aura longtemps fait de la résistance : les visuals-novels. Sorte de roman-photo interactif, ce genre très populaire au Japon aura mis mis son temps avant de débarquer dans nos échoppes et reste encore à l’heure actuelle édité à dose homéopathique dans nos contrées.

Sorti en 2008, 428 : Shibuya Scramble n’avait ainsi pas bénéficié d’une localisation occidentale malgré son statut de jeu culte et un excellent accueil critique symbolisé par son célèbre 40/40 dans le magazine Famitsu. Dix ans plus tard, c’est par l’intermédiaire de Koch Media, un des spécialistes de la distribution des perles nippones en France, que le visual-novel se dévoile enfin au public français dans une langue enfin intelligible pour le commun des mortels. A condition toutefois de maîtriser un minimum la langue anglaise, le niveau de langage utilisé ne le rendant pas facilement accessible pour quiconque se serait contenté de ses cours de langues au lycée sans chercher à approfondir son apprentissage. Pour un jeu se basant totalement sur la narration écrite, le point mérite d’être soulevé immédiatement.

428 shibuya scramble personnages

A la recherche de la Steins;Gate

Alors que les visuals-novels sont réputés pour être terriblement linéaire, 428 : Shibuya Scramble surprend immédiatement par son mode de narration original. Se déroulant tel un huis clôt dans le quartier tokyoïte de Shibuya, le jeu nous fait suivre l’histoire de cinq personnes sans aucun lien apparent mais dont les destins vont s’entrecroiser au fur et à mesure que la journée se déroule. Un inspecteur sur les traces d’une affaire de kidnapping, un journaliste en quête de scoop ou une jeune fille vendant des boissons énergisantes, les cinq protagonistes de 428 : Shibuya Scramble n’ont à première vu rien en commun et les premières heures de jeux ne laissent en rien imaginer que leurs destins pourraient se retrouver entremêlé.

428 shibuya scramble choixEt pourtant. Tout au long des 10h, pour autant de chapitres, que comptent cette folle journée, leurs aventures vont se dérouler en parallèle, s’entrecouper, et le moindre petit détail pourra avoir des conséquences immédiates sur le déroulé des événements de leurs compagnons de galère. Pour avancer dans le scénario, il conviendra ainsi de sauter de personnages en personnages et de faire avancer leurs intrigues respectives afin de débloquer le « bon chemin » et arriver à la fin du chapitre. Tel un épisode de série TV, chaque heure se termine sur un cliffhanger introduisant dynamiquement le chapitre suivant. Un savant cocktail qui permet à la narration de captiver le joueur en cassant la monotonie souvent inhérente aux titres du genre.

Tel un Rintaro Okabe en recherche de la Steins;Gate, tout le sel de 428 : Shibuya Scramble va donc consister de naviguer entre les scénarios et de faire les choix opportuns afin de réussir à faire avancer la trame principale. Généralement, votre progression sera rapidement bloquée voir vous plongera dans un Game Over en raison d’un choix effectué dans l’un des autres scénarios. Un taxi raté, une boisson offerte dans la rue, et la magie de l’effet papillon pourra délivrer un des autres protagonistes d’une situation apparemment sans issue. Bien que faisant partie intégrante de l’expérience de jeu, ces bad ending pour beaucoup inévitables donnent toutefois un aspect die and retry au jeu et pourront rapidement s’avérer agaçant quand vous aurez à relire pour la énième fois le même segment narratif. Les moins patients pourront toutefois accéder à un indice indiquant de manière plus ou moins explicite la marche à suivre pour débloquer la situation.

428 shibuya scramble timeline

Avancer, buter, remonter dans le temps et tenter de modifier le cours des événements, une mécanique bien huilée gérée au moyen d’une timeline où s’afficheront petit à petit les différents moments marquant de la journée. Naviguer entre les scénarios se fait en quelques clics et le découpage en nombreux check-points évite d’avoir à se retaper tout un chapitre depuis son début en cas d’impasse. Les visual-novels sont par nature des jeux proposant un gameplay proche du zéro absolu, mais le peu d’interactions offertes au joueur dans 428 : Shibuya Scramble bénéficient d’une ergonomie difficilement attaquable.

428 shibuya scramble texteQuand le joueur joue peu, les acteurs surjouent

Dix ans plus tard, force est tout de même de constater que 428 : Shibuya Scramble a pris un léger coup de vieux dans le museau. Avec ses plans fixes, trop rarement entrecoupés de vidéos, et son absence totale de dialogues doublés, le titre accuse le poids des âges et vire carrément au cheap quand, par exemple, la caméra se met à trembler pour simuler un effet de surprise. Roman-photo oblige, les acteurs ont également des expressions faciales totalement exagérées afin de retranscrire leurs émotions, contribuant à donner un aspect de série-Z low-cost au récit qui se déroule devant nos yeux. Un sentiment qui se retrouve exacerbé par l’aspect grand-guignolesque de l’histoire, avec ses personnages portant pour certains des perruques improbables, ses scènes improbables et son humour flirtant régulièrement avec la frontière du ridicule. En résulte de longs passage totalement vide de sens où l’on se contente de cliquer à toute allure pour tomber enfin sur quelque chose de croustillant.