Spécialiste des histoires courtes fantastiques, Pika Edition nous propose en ce début d’automne Ex Nihilo, un série en deux petits tomes dont la mécanique centrale fait penser à Inception. Un titre prenant et d’une grande richesse, mais qui aurait amplement mérité quelques tomes de plus pour gagner en clarté.

Alors qu’il n’aspirait qu’à une vie tranquille et rangée, le quotidien de Yukari Kamono est mis sens dessus dessous le jour où une immense créature blanche le prend en chasse, détruisant la ville sur son passage. Une mystérieuse jeune fille du nom d’Anya surgit alors à ses côtés pour lui venir en aide et lui révèle qu’il est, comme elle, un « Créateur » : un être ayant la faculté de matérialiser tout ce qu’il imagine. Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Et que veulent les gens qui se sont lancés à sa poursuite ? Si Kamono veut espérer survivre et obtenir des réponses à ses questions, il va devoir se battre.
Ex Nihilo est édité chez Pika Edition et est vendu au prix de 8,50€.
Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
Première série signée Shinji Mito, Ex Nihilo aurait pu (dû ?) également être la dernière du jeune mangaka. Repéré par Kodansha après avoir envoyé un CV accompagné d’un manga amateur de sa création, Shinji Mito a rapidement eu l’opportunité de réaliser une série courte pour les pages du magazine Afternoon de l’éditeur. Bien que catégorisé comme une « étoile montante », le dessinateur n’avait toutefois pas spécialement envie de s’attarder dans ce milieu extrêmement éreintant et comptais à l’époque tirer sa révérence une fois cette création terminée. Un départ qu’il comptait faire en impressionnant tout le monde en frappant un grand coup avec ce qui deviendra par la suite Ex Nihilo. Un plan de carrière finalement tombé à l’eau, l’auteur ayant peu de temps après dessiné Alma, mais qui ne l’a pas empêché de livrer une première œuvre passionnante.
Totalement désinhibé, Shinji Mito nous livre ainsi une œuvre follement percutante. Déjà superbe, le dessin est magnifié par une mise en scène magistrale qui fait régulièrement penser au film Inception. Plans spectaculaires où le temps semble comme arrêté, destructions à couper le souffle des « mondes », Ex Nihilo est un véritable délice visuel dont la démesure est à l’image de ces « Créateurs » jouant avec leurs pouvoirs que l’on pourrait qualifier de divins. Entre son univers, riche et profond, son dessin et sa mise en scène, il se dégage incontestablement quelque chose de Ex Nihilo. Une sorte d’aura comme on n’en trouve pas tous les jours et qui est l’apanage des œuvres uniques dans leur genre. Pour une première série, on est clairement sur du haut niveau.
Pour autant, Ex Nihilo n’est pas non plus parfait. Trop riche, trop fouillé, trop ambitieux, le récit ne peut pas livrer son plein potentiel en deux (gros) tomes de 300 pages chacun. L’introduction, assez expéditive, ne permet pas de maitriser pleinement les enjeux du récit dans lequel on s’embarque alors qu’il est question de complots et de création de mondes alternatifs. De manière plus générale, le manga dans sa globalité n’est pas toujours facile à comprendre. Narration au rythme effréné, absence de pleine compréhension du pouvoir des créateurs, complots, questionnements psychologiques, ce melting-pot d’ingrédients fait qu’on se laisse régulièrement porter par les évènements sans vraiment comprendre ce qu’il se passe devant nos yeux. Un ou deux tomes supplémentaires n’auraient ainsi pas été de refus afin que le tout gagne en clarté. Mais également pour que notre plaisir dure un peu plus longtemps, car c’est surtout ce sentiment que l’on retiendra de la lecture de Ex Nihilo.