Quatrième manga à intégrer la collection « Les chefs-d’œuvre de Lovecraft », « L’Appel de Cthulhu » adapte avec brio une des œuvres fondatrices du maître de l’horreur.


LAppel-de-Cthulhu

Quand Francis Thurston hérite des possessions de son grand-oncle archéologue, il se retrouve lié à la tragique destinée du vieil homme… D’après ses papiers, le défunt scientifique enquêtait sur une religion étrange : le culte de Cthulhu. Une mystérieuse gravure représentant son dieu dépeint un monstre cauchemardesque ! Selon le journal laissé par le professeur, cette tablette est l’œuvre d’un artiste qui l’a créée en pleine nuit, alors qu’il était assailli de visions d’une cité fantastique habitée par une créature gigantesque. Or, ce phénomène a eu lieu le lendemain d’un séisme d’une intensité inégalée, qui a affecté des hommes dans plusieurs contrées… Qu’est-ce qui a bien pu perturber ainsi l’équilibre du monde ? Intrigué par ces écrits, Francis reprend le flambeau et se lance sur la piste du culte, au cœur des ténèbres… Des États-Unis à l’Europe en passant par les étendues glacées du Groenland, l’horreur se niche partout ! Avec L’Appel de Cthulhu, H. P. Lovecraft donne une ampleur et une cohérence nouvelles à son univers en reliant les indices éparpillés dans ses récits. Aurez-vous le courage d’affronter la réalité ainsi dévoilée ?

L’Appel de Cthulhu est édité chez Ki-oon et est vendu au prix de 17€.

Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.


S’il y a bien un éditeur de manga qui transpire la passion du beau livre, il s’agit bien de Ki-oon. Déjà très soigneuse de la qualité de ses ouvrages « classiques », que ce soit au niveau de la qualité des matériaux utilisés que de celle de la traduction, la maison d’édition est également habituée à proposer au public de beaux ouvrages avec sa collection grand-format Lattitudes. Lancée en l’automne 2018, la collection Les chefs-d’œuvre de Lovecraft s’inscrit parfaitement dans l’ADN de la société en rendant hommage à l’une des grandes figures de la littérature horrifique, Lovecraft. Et quel hommage ! Grand format, papier de qualité et épais, couverture en simili-cuir, Ki-oon n’a pas lésiné sur les moyens pour faire de chaque volume de cette collection un véritable bel objet pouvant prendre place sans honte dans n’importe quelle bibliothèque. Alors oui, il faut débourser en contrepartie pas moins de 17€ pour mettre la main sur L’Appel de Cthulhu, soit plus de double du prix d’un manga traditionnel. Mais le jeu en vaux clairement la chandelle.

Magnifique dans la forme, cette collection l’est également dans le fond. Dessinés par Gou Tanabe, les tomes sont de véritables merveilles graphiques donnant vie aux œuvres de Lovecraft comme si le romancier lui-même était au dessin et L’Appel de Cthulhu n’échappe pas à la règle. Rappelant Les Montagnes Hallucinées, l’ambiance qui se dégage du titre est incroyable. Mystérieuse, oppressante, mais également imposante quand Gou Tanabe nous offre ces cases gigantesques, parfois étalées sur deux pages, où des créatures glaçantes prennent place dans des décors vertigineux. Seul léger travers récurent, les personnages ont souvent un côté « poupée de cire » avec leurs expressions faciales assez rigides. Mais l’auteur s’est amélioré sur ce point et cela se ressent dans L’Appel de Cthulhu, dernière œuvre en date prépublié fin 2019 au Japon dans le magazine Comic Beam.

Alors qu’en début d’année La Couleur tombée du ciel abandonnait le récit d’aventure pour proposer quelque chose de beaucoup plus ancré dans le quotidien, L’Appel de Cthulhu nous plonge cette fois dans une enquête visant à percer le mystère du culte de Cthulhu qui nous emmène à travers le monde, de l’Europe aux Etats-Unis en passant par des lieux perdus en pleine mer. Mais au lieu d’adopter une structure narrative basée sur un unique point de vue, l’histoire progresse en les alternant tel un recueil de petites histoires qui, mises ensembles, forment un tout cohérent. Une manière de faire qui permet de faire monter la pression à petit feu jusqu’à un final aussi impressionnant qu’étouffant. Une nouvelle fois, cette adaptation par Gou Tanabe d’une des œuvres de Lovecraft est une réussite sur tous les points qui se dévore aussi bien pour son histoire que pour sa beauté.