Après deux adaptations nous faisant voyager (et cauchemarder) au fin fond de l’Antarctique puis des ruines australiennes, Gou Tanabe nous offre cette fois avec La Couleur tombée du ciel une histoire plus ancrée dans le quotidien. Et c’est justement ça qui est bon.


Un projet de barrage promet d’engloutir toute une vallée reculée de la campagne américaine. Bizarrement, son dernier habitant se réjouit de voir le lieu disparaître sous les flots, en particulier la parcelle de terrain voisine… Les Gardner y ont vécu paisiblement pendant des années, jusqu’à ce que la chute d’une météorite juste devant leur maison fasse basculer leur quotidien. Des scientifiques ont tenté d’étudier ce roc venu de l’espace, sans succès. La matière ne ressemblait à rien de connu et se distinguait par sa couleur inexistante sur Terre… Après cet événement, la faune et la flore ont commencé à s’altérer, les phénomènes étranges se sont multipliés, entraînant la famille Gardner dans une spirale de malheurs…

La Couleur tombée du ciel est édité chez Ki-oon et est vendu au prix de 15€.

Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.


Entamée en 2018 avec Les Montagnes hallucinées avant de connaitre une seconde entrée l’année dernière avec Dans l’abîme du temps, la collection Les chefs-d’œuvre de Lovecraft de l’éditeur Ki-oon s’enrichit ce mois-ci d’un troisième titre avec l’arrivée en son sein de La Couleur tombée du ciel. Adaptant le roman The Color Out of Space publié en 1927, le manga fût prépublié au Japon dans le magazine Comic Beam en 2015, ce qui en fait chronologiquement le plus anciens parmi les trois bien qu’il soit le dernier à sortir chez nous. Après deux histoires nous dépaysant totalement en nous faisant frissonner au plus profond de l’Antarctique et de l’Australie, c’est cette fois un récit beaucoup plus ancré dans le quotidien que nous propose La Couleur tombée du ciel, oeuvre ayant par ailleurs connue une adaptation cinéma en ce début d’année avec notamment Nicolas Cage au casting.

Là où Les Montagnes hallucinées et Dans l’abîme du temps cherchaient à nous faire frissonner en nous faisant explorer des contrées reculées, c’est cette fois dans un petit patelin perdu au milieu des des Etats-Unis que l’histoire prend place. Avec pour conséquence une approche radicalement différente de la manière dont la peur englobe petit à petit le lecteur. Si dans les deux précédents manga le personnage principal allait s’aventurer de lui-même en terres hostiles, c’est cette fois le mystère – et le danger – qui vient par lui-même prendre place dans le quotidien de personnes n’ayant rien demandé. Plus cruel, parce qu’il touche des gens qui n’ont rien demandé, le danger est ainsi également beaucoup plus vicieux étant donné que sa présence n’est au départ pas connu puis simplement sous-estimée. Mais contrairement au protagonistes de l’histoire, le lecteur sait dès les premières pages l’issue du récit : la désolation et le malheur. Une construction narrative prenant la forme d’un énorme flashback qui renforce le sentiment d’oppression qui monte lentement en puissance au fil des pages étant donné qu’on sait d’où on vient, qu’on sait également où l’on va, mais que le chemin entre les deux est une grande inconnue.

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Comme d’habitude avec la collection Les chefs-d’œuvre de Lovecraft, Ki-oon a réservé à La Couleur tombée du ciel une qualité d’édition aux petits oignons avec un grand format, du papier de qualité et une couverture faite dans une sorte de simili-cuir. Un superbe objet justifiant sans problème son prix de 15€ et qui fait par ailleurs pleinement honneur au dessin de Gou Tanabe, comme toujours magnifique. Seul subsiste une nouvelle fois ce petit bémol concernant les expressions faciales, celles-ci donnant souvent l’impression d’avoir à faire à des poupées de cire sans vie. Mais il aurait été surprenant que ce ne soit pas le cas vu que ce point était déjà présent dans Les Montagnes hallucinées et Dans l’abîme du temps, tous deux dessinés ultérieurement.