Sorti à une époque où la série des Yakuza n’avait pas encore fait le virage du J-RPG, Judgment n’était à l’époque « qu’un » spin-off particulièrement réussi reprenant en l’état la formule des Yakuza tout en y ajoutant quelques éléments d’enquête/infiltration. Deux ans plus tard, Yakuza : Like a Dragon est venu draguer les joueurs de Dragon Quest et les amoureux de la formule traditionnelle des Yakuza se sont retrouvés comme abandonnés par le Ryu Ga Gotoku Studio. Mais ce qui n’était à l’origine qu’un épisode dérivé mettant en scène la star nippone Kimura Takuya vient de s’enrichir d’une suite avec Lost Judgment. Un opus qui transforme totalement l’essai et fait de la licence une série à part entière pouvant revendiquer officiellement le titre d’héritier des Yakuza « canal historique ».

Ce test de Lost Judgment a été réalisé sur une version PS4/PS5 fournie par l’éditeur. Les deux versions (PS4/PS5) ont été testées.

Jeu dérivé des Yakuza, le premier Judgment avait certes repris quasiment en l’état la formule traditionnelle de la série mais avait su apporter sa touche personnelle au scénario, abandonnant les habituelles histoires de mafieux pour un récit d’enquête mêlant meurtrier en série et complot politique. Intrigant, passionnant, rythmé, le récit apportait un coup de fraicheur à une licence tournant jusqu’à présent toujours autour des même thématiques et contribuait à faire de ce spin-off un titre n’ayant rien à envier à son modèle. Presque trois ans plus tard, sa suite Lost Judgment nous plonge une nouvelle fois dans la peau de Takayuki Yagami, ex-avocat reconverti en tant que détective dans le quartier de Kamurocho. Sauf que là où le premier opus avait pour contexte le développement d’un médicament visant à soigner la maladie d’Alzheimer, celui-ci aborde cette fois une thématique rarement abordée et très délicate à mettre en scène, celle du harcèlement scolaire.

Une histoire prenante sublimée par sa mise en scène

Abordée avec beaucoup de justesse, cette thématique fait mouche et captive tant il est facile de s’identifier aux principaux intéressés. Que ce soit en tant qu’élève, mais également en tant que parent dont la découverte du traitement réservé à ses enfants peut faire perdre la raison. Prendre pour cadre un établissement scolaire pouvait sembler périlleux pour une série basée sur l’enquête mais aussi sur l’action. Mais, Ryu ga Gotoku Studio oblige, les nombreux rebondissements et développements scénaristiques font que l’intrigue va par la suite prendre une tournure inattendue dépassant le simple cadre de l’école. Intégralement sous-titrée en français (malgré quelques coquilles dignes pour certaines d’un débutant en japonais), Lost Judgment ne nécessite pas d’avoir joué à sa préquelle pour en profiter pleinement. Certes, avoir joué à Judgment sera forcément un plus pour comprendre certains éléments de contextes et les liens entre les personnages, mais les nouveaux venus pourront se plonger directement dans la série avec cet opus étant donné que les deux histoires n’ont strictement rien en commun.

Pour appuyer ce scénario certes romancé mais pour autant poignant, le Ryu ga Gotoku Studio a de nouveau fait appel à un casting de haute volée. Outre Kimura Takuya, toujours aussi excellent dans la peau de Takayuki Yagami, sont présents dans les rôles principaux des acteurs comme Koji Yamamoto ou Hiroshi Tamaki. Mais plus que certains noms ronflants, c’est vraiment la qualité du jeu d’acteur qui est à saluer, celle-ci sublimant une mise en scène cinématographique. Si rien n’empêche d’y jouer en anglais afin que le commun des mortels puisse comprendre ce qu’il se dit sans avoir les yeux rivés sur les sous-titres, il serait véritablement dommage de s’enlever une part d’immersion quand le doublage d’origine est à ce point qualitatif.

C’est dans les vieux pots….

Alors que Takayuki Yagami était précédemment confiné dans le quartier de Kamurocho, notre cher détective profite cette fois d’une aire de jeu beaucoup plus grande étant donné que l’enquête s’étale cette fois également à Isezaki Ijincho, le quartier de Yokohama introduit dans Yakuza: Like a Dragon. En reprenant le quartier historique des Yakuza tout en lui joignant celui créé à l’occasion du dernier opus, le côté « recyclage facile » ne manque pas de sauter aux yeux. Pour autant, même si une zone inédite n’aurait pas été de refus, la beauté avec laquelle ont été modélisés ces quartiers fait que l’immersion est toujours aussi incroyable. Bien que plus tout jeune, le Dragon Engine est ici maitrisé à la perfection par les équipes de développement et est poussé aux maximum de ses capacités sur PlayStation 4 sans que les performances ne soient sacrifiées pour autant. Quant à la version PlayStation 5, on sent clairement qu’il s’agit d’un « entre-deux » à cheval sur deux générations, même si on y gagne un grand boost en fluidité.

Evolution plus que révolution, Lost Judgment reprend la formule de son aîné en lui apportant quelques ajustements. Filature, infiltration, course-poursuite, recherche d’indices, on retrouve de nouveaux ces mécaniques permettant d’apporter de la variété au gameplay mais qui, malgré quelques ajouts pour en améliorer l’expérience, restent globalement dirigistes et un peu lourdes. On pense notamment au parkour, pas spécialement excitant et qui ne laisse aucune place pour choisir son approche, et aux courses-poursuites qui durent bien trop longtemps pour ce que c’est. Quand aux activités annexes, le jeu offre comme toujours la possibilité de s’adonner aux plaisirs de l’arcade (Super Hang-On, Virtua Fighter 5 Final Showdown, Motor Raid, Sonic The Fighters) mais également d’une ribambelle d’autres activités comme les fléchettes ou le shôgi, tandis que la montagne de quête annexe permet de décupler la durée de vie d’un jeu qui peut se boucler en une vingtaine d’heures en ligne droite.

Alors que Yakuza : Like a Dragon s’est aventuré du côté du J-RPG et de ses combats au tour par tour, Lost Judgment revient à l’action en temps réel comme dans la plus pur tradition des Ryu ga Gotoku. Un retour aux sources qui fait réellement plaisir tant on sent que le studio maitrise du bout des doigts ce style de gameplay, sachant qu’en plus notre cher détective peut désormais alterner entre trois styles de combat (contre deux auparavant). Même si les mécaniques n’ont pas fortement évolués, avec une nouvelle fois un système de compétences à débloquer en l’échange de points, l’ajout de nouveaux coups et de nouvelles animations rendent le tout encore plus agréable à jouer.