Sujet à la fois tabou et particulièrement méconnu de la part de tout un pan de la population (les hommes), les menstruations sont à l’honneur dans « Ragnagna et moi ». Un manga décalé qui aborde avec beaucoup d’humour, mais aussi de délicatesse, le ressenti des femmes pendant la période des règles.


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Ponction de sang, coup de poing dans les entrailles, effet chloroforme : quand Ragnagna débarque, elle ne fait jamais dans la dentelle. Son arrivée est aussi redoutée que son absence prolongée peut inquiéter… Elle sait qu’on la déteste et, pourtant, elle remplit sa mission mensuelle avec un professionnalisme sans faille ! Ragnagna a toujours fait partie de la vie des femmes et, contre toute attente, elle pourrait bien être leur meilleure alliée. Tensions dans le couple, stress au travail, combat contre le mal… telle une héroïne de l’ombre, Ragnagna est toujours du côté des femmes car, malgré tout, elle les comprend mieux que personne. Mais vous, la connaissez-vous vraiment ? Elle partage un bon bout de notre existence, alors autant apprendre à l’apprivoiser !

Ragnagna et moi est édité chez Ki-oon et est vendu au prix de 15€.

Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.


Ragnagna et moi, c’est tout d’abord le genre de belle histoire qu’on aime découvrir. Publié à l’origine dans le confidentiel magazine en ligne Omokoro à partir de janvier 2017, ce manga signé Ken Koyama a connu un tel succès sur internet qu’il est rapidement passé sous le giron de l’éditeur Kadokawa qui l’a prépublié dans son mensuel, lui bien physique, Comic Beam de décembre 2018 à novembre 2020. Un changement qui a ouvert au manga les portes de la consécration, celui-ci remportant en 2019 le Prix Tezuka (catégorie recueil d’histoires courtes) et s’étant vu décliné la même année en film-live au cinéma. Un succès inattendu pour ce titre à la thématique si particulière. Car parler de menstruations n’est pas chose aisée, surtout quand on cherche à toucher un public fondamentalement à des années lumières du sujet abordé (comprenez les hommes). Mais en mariant à la fois humour et légèreté, Ken Koyama, auteur spécialisé dans les tranches de vie humoristiques, est arrivé à pondre une œuvre universelle qui arrive à parler à tout le monde, quel que soit son sexe.

Recueil d’histoires courtes, Ragnagna et moi nous présente l’intrusion des règles (représentées par le personnage de Ragnagna), dans la vie des femmes, qu’elles nous soient contemporaines ou du Japon féodal, jeunes ou moins jeunes, reconnues pour leur beauté ou complexée par leur apparence. Chaque petite histoire nous plonge dans un contexte différent nous montrant, avec beaucoup d’humour et de bienveillance, comment les femmes doivent supporter la douleur physique, morale, l’incompréhension de l’entourage ou encore mise au ban de la société en raison de ce cycle naturel auquel elles ne peuvent rien.

D’une grande justesse, Ragnagna et moi nous présente ces situations avec beaucoup d’humour mais sans tomber dans l’excès, un travers qui aurait pu réduire le manga à une simple succession de gag sans véritable message. Un message qui ne se veux d’ailleurs pas moralisateur mais qui a seulement pour but de transmettre une compilation de témoignages et d’expériences. Nous ne sommes ainsi pas face à un simple manga « tranche de vie » mais face à une œuvre traitant avec beaucoup de délicatesse des sentiments humains. Ceux des femmes, évidemment, mais également ceux des hommes qui ont aussi leur place dans le récit. Drôle, attachant, instructif et jamais retors, Ragnagna et moi est un titre qui arrive à parler d’un sujet potentiellement casse-gueule avec une justesse incroyable. En résulte une œuvre délicieuse à lire, au point de faire oublier un dessin qui est loin d’en être la plus grande qualité.