La sexualité dans le couple, un sujet particulièrement sensible et encore plus au Japon où les jeunes se désintéressent de plus en plus du sexe au point que l’on parle de phénomène « sexless couples ». C’est pourtant sur ce terrain particulièrement glissant que s’est aventuré, avec beaucoup de réussite, Haru Haruno avec son manga « Corps Solitaires ».


Michi a 32 ans. Sa relation avec son mari n’est pas mauvaise mais une seule chose fait défaut : cela fait 2 ans qu’ils n’ont plus de relations sexuelles. Lors d’une soirée entre collègues, elle se confie à l’un deux. Makoto a le même problème mais c’est sa femme qui ne semble plus avoir de désir pour lui… Pouvoir en parler permet à Michi de reprendre espoir et de se lancer dans la reconquête de son mari…

Corps Solitaires est édité chez Kana et est vendu au prix de 7,45€.

Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.


Pour l’instant, c’est un quasi-sans faute. Lancée en début d’année, la collection Life de Kana, dont l’objectif est de toucher un public plus âgé en lui parlant de thématiques issues du quotidien, n’arrête pas d’enchainer les perles tout en variant les sujets. Vie de couple de deux amoureux pas encore trentenaires, romance en milieu universitaire ou encore découverte du monde du travail par une jeune diplômée, la collection aborde les différentes étapes de la vie d’adulte avec des œuvres d’une grande tendresse et qui s’écartent des classiques stéréotype du genre (hormis First Job New Life, seule petite déception du lot). Avec Corps Solitaires, les éditions Kana restent toujours dans la même tranche d’âge mais abordent cette fois une thématique extrêmement sensible, et encore plus au Japon, celle de la sexualité des jeunes couples. Touchant aussi bien les plus jeunes (une étude du ministère de la Santé nippon ayant montré que 36% des garçons et 58,56% des filles âgés de 16 à 19 ans ne s’intéressent pas à la chose) que les adultes entrés dans la vie active (41% des couples affirment ne pas avoir eu de rapport sexuel dans le mois précédant l’enquête en question), ce syndrome des « sexless couples » est également à l’origine d’une baisse de la natalité engendrant une diminution lente mais continue de la population japonaise. Bref, l’abstinence sexuelle est un véritable phénomène sociétal au Japon et Corps Solitaires nous permet d’en découvrir une des histoires en suivant l’histoire de Michi Yoshino et de son mari, jeune couple marié tout juste trentenaire qui n’a plus de relation sexuelles depuis deux ans.

Publié depuis 2017 au japon pour un total de 5 tomes à l’heure actuelle, Corps Solitaires ne présente pas une histoire extraordinaire en soi. La routine, le petit manque d’attention, le maquillage que l’on ne fait plus ou le pyjama aussi confortable qu’absolument pas sexy, voilà ce dont il est question. Ces petits détails invisibles quand on ne met pas le doigt dessus mais qui mis bout à bout peuvent amener certains couple à s’éloigner physiquement bien que l’amour soit toujours présent. Traité avec une grande délicatesse, la relation entre le jeune couple réussie à ne pas tomber dans les poncifs du genre en présentant un tableau simpliste avec d’un côté la « gentille » Michi en manque d’affection et de l’autre son « méchant » mari totalement sourd à ses attentes. Si le fait qu’il repousse toutes les attentes de sa compagne pourrait en faire effectivement le seul et unique fautif de la situation, le manga n’oublie pas de montrer les pensées qui traversent son esprit et fait qu’on arrive à avoir une certaine empathie pour le personnage malgré tout. Le récit reste cependant centré sur Michi, celle-ci étant la seule à souffrir du manque d’intimité au sein du couple et ayant pris elle-même conscience de certains de ses propres travers qu’elle cherche à corriger.

Histoire d’apporter un peu plus de complexité au récit, Haru Haruno a également inclus un « love-interest » en la personne de Niina, collègue de bureau lui-aussi en difficulté sexuelle avec sa compagne et également cible des convoitises d’une amie de Michi. Un triangle amoureux dont on ne voit, à l’heure actuelle, pas vraiment d’intérêt hormis celui d’apporter une légère dose d’adrénaline plutôt dispensable. Espérons juste que ce point n’aura pas vocation à trop se développer à l’avenir, ou alors avec énormément de doigté, pour que Corps Solitaires ne bascule pas dans un récit plus classique de romance adultérine et de rivalité féminine. Car à l’heure actuelle, c’est une véritable réussite.

corps solitaires
Corps Solitaires
Note des lecteurs0 Note0
Les plus
Une thématique rarement abordée en manga
Un sujet sensible traité avec délicatesse
Ne tombe pas dans le pathos à outrance
Les moins
Un triangle amoureux plutôt dispensable
8
Excellent
En deux mots
Traitant d'un sujet aussi sensible que rarement abordé dans les mangas, Corps Solitaires est une belle réussite grâce à sa narration tout en délicatesse. Un nouveau pari réussi pour la collection Life des éditions Kana.