Près d’un an et demi après sa sortie en terres nippones, Yakuza 6 – The Song of Life débarque enfin dans nos contrées pour permettre au joueur occidental de découvrir l’épilogue des aventures de Kiryu Kazuma, près de treize années après ses débuts sur Playstation 2. Premier épisode de la série à tourner sur le Dragon Engine, une technologie reprise depuis par Yakuza Kiwami 2, ce sixième et dernier opus conclu avec brio une saga qui aura mis du temps pour véritablement décoller en Europe.
Ce test Yakuza 6 a été réalisé sur une version fournie par l’éditeur.
Yakuza 6 – The Song of Life prend place en 2016 quand Kiryu sort de trois années de prison, conséquence directe des événements s’étant déroulés dans Yakuza 5. Bien décidé à retrouver un petit quotidien pépère à Okinawa avec les enfants de l’orphelinat, sa surprise va être de taille quand il découvrira que Haruka a subitement disparu d’Okinawa pendant qu’il était derrière les barreaux. De retour à Kamurochô, notre ex-Yakuza va apprendre avec stupéfaction que l’ancienne idole de J-Pop est tombée dans le coma suite à un accident (?) de voiture et qu’elle est également la mère d’un petit Haruto. Désireux de retrouver le père du bébé et d’en apprendre plus sur ce qui est arrivé à sa protégée, Kiryu va alors s’envoler pour Hiroshima, le début d’un périple qui va prendre de plus en plus d’ampleur en impliquant à peu près tout ce que l’archipel peut compter de mafieux.
Pour qui aurait découvert la série avec Yakuza Kiwami, le remaster du premier épisode sorti l’été dernier en France, et aurait simplement enchaîné avec celui du second opus paru au Japon cet hiver, le grand écart temporel est conséquent. Conscient de la situation, Sega a eu la bonne idée d’inclure de courts résumés des anciens épisodes pour permettre aux néophytes de se mettre les idées aux clair et de connaître, au moins dans les grosses lignes, les enjeux et les forces en présence. Une intention louable même si la connaissance des événements passés n’est pas un prérequis indispensable pour apprécier à sa juste valeur cet épisode censé clore l’histoire de Kiryu.
Comme un parfum de Shenmue
A moins d’avoir mis entre temps les mains sur une version import de Yakuza Kiwami 2, Yakuza 6 est une belle baffe graphique pour qui sortirait d’une session de Yakuza 0 ou de Yakuza Kiwami premier du nom. Non pas que ces épisodes étaient des supplices pour les yeux, loin de là, mais le désormais célèbre Dragon Engine sublime un Kamurochô que l’on a pourtant parcouru dans les moindres recoins pendant plus d’une décennie. Avec ses rues grouillant de détails, la copie du quartier chaud de Tokyo est vivante comme jamais et on prend plaisir à la redécouvrir sous ses plus beaux apparats. Bien plus posée, avec ses galeries marchandes qui sentent bon la province japonaise et ses habitants au délicieux accent de la région d’Hiroshima, il émane de la petite ville portuaire de Onomichi une douce ambiance qui rappelle immédiatement Dobuita, le célèbre quartier de Shenmue. Les attaques de mafieux à chaque carrefour en moins. On regrettera toutefois que la bourgade soit tout de même bien vide en comparaison de ce que propose Osaka dans Yakuza Kiwami 2.
Présenté lors de ses débuts un peu trop facilement comme une sorte de GTA japonais, Yakuza n’a jamais vraiment assumé sa parenté avec le chef-d’oeuvre de Yu Suzuki. Et pourtant. Plutôt que de lorgner du côté du titre de Rockstar, les différents opus n’ont jamais cessé de reprendre la recette de Shenmue pour l’améliorer, la compléter, la peaufiner. Tout comme le titre de la Dreamcast, Yakuza 6 est un digne représentant de l’école japonaise, celle qui aime offrir une impression de liberté totale au joueur tout en n’oubliant pas de la limiter par moment pour assurer une narration qui tienne la route. Le titre n’a ainsi pas cédé aux sirènes de la mode des mondes bacs à sables où la liberté d’action totale semble être devenue un impératif de tout cahier des charges émanant des services marketing. Même au bout de 13 ans, n’espérez donc pas conduire de véhicules ou d’agresser n’importe quel passant qui traverse votre champ de vision. Certains y verront une forme d’archaïsme, nous préférons y voir un désir de Sega de garder une cohérence globale dans l’univers du jeu ainsi que dans l’histoire qu’il raconte.
Terriblement riche dans ses à côtés invitant le joueur à flâner alors que le monde est au bord du chaos, le jeu regorge toujours autant de mini-jeux allant des traditionnelles fléchettes aux emblématiques bars à hôtesses. Mais si on avait pu choisir, on aurait préféré incarner le gérant d’un de ces lieux de détentes comme le propose Yakuza Kiwami 2 plutôt que de simplement incarner un client sortant banalités sur banalités à une jeune fille n’ayant d’yeux que pour notre portefeuille. Mais entre la présence de bornes Puyo Puyo et Virtua Fighter 5 Final Showdown ou encore la possibilité de gérer une équipe de base-ball, ce détail n’est finalement que bien anodin.
Aniki mon frère
La Team Yakuza ne s’est jamais cachée de puiser son inspiration dans le cinéma pour proposer des scénarios de plus en plus rocambolesques et une mise en scène maîtrisée avec brio. Si les précédents opus bénéficiaient déjà de la contribution de véritables acteurs, Yakuza 6 apparaît comme une sorte d’apothéose avec son casting AAA dont Takeshi « Beat » Kitano n’est que la partie immergée de l’iceberg. Certes moins connus dans nos contrées, Tatsuya Fujiwara (Battle Royale), Shun Oguri (Hana yori Dango) ou encore Yōko Maki ont prêté leur visage et leur voix à divers protagonistes avec une qualité de doublage force le respect. Conjugué au nouveau moteur 3D, les personnages sont criant de réalismes et l’on est immédiatement immergé dans cette histoire rocambolesque qui tiendra le joueur en haleine pendant une vingtaine d’heures afin d’arriver au bout de la trame principale.
Les combats ne sont pas en reste avec des « Heat Actions » aussi stylisées que totalement craquées, mais on ne pourra que regretter le retour en arrière opéré par Sega en ne permettant plus de choisir entre plusieurs styles de combat, une innovation introduite par Yakuza 0 et reprise dans Yakuza Kiwami. Moins techniques, les affrontements sont également devenus bien plus simples en raison des « Heat Action » pouvant terrasser n’importe quel boss sans trop de difficulté et d’un système d’expérience aussi intéressant que permettant de tomber dans l’abus. Manger, boire, aller à la salle de musculation, jouer aux fléchettes ou encore se mettre sur la gueule dans la rue, tout est propice à remplir sa besace de points d’expérience utilisables pour augmenter les capacités de Kiryu. Un système dont il est facile abuser et qui permet d’aboutir à un combattant hors normes dès les premiers chapitres du jeu.
Mais qu’importe. Les Yakuza ont toujours été des jeux allant dans l’excès où Kiryu est capable de détruire tout un gang de mafieux de ses seules mains et permettant de s’occuper d’un café à chats alors qu’une bombe est prête à exploser à tout moment. Cette scène improbable, révélée dans les trailers, où l’on voit Haruto voler en l’air façon ballon de rugby en étant la parfaite incarnation. Bref, Yakuza est et restera Yakuza, et c’est tout simplement ce qu’attendent les fans de la série.