Toute première œuvre de Waka Hirako, My Broken Mariko offre un récit puissant qui aborde avec beaucoup de justesse des sujets sensibles comme le suicide, le deuil d’un être cher, ou encore les violences domestiques.
Quand Tomoyo apprend aux informations la mort de son amie Mariko, elle n’en croit pas ses oreilles. Elles s’étaient pourtant vues la semaine précédente, sans que rien ne laisse présager un tel drame. Mariko, à la jeunesse brisée, qui lui vouait une admiration sans bornes et qui s’est vraisemblablement suicidée… Tomoyo ne contient pas sa rage : elle doit trouver un moyen de rendre un dernier hommage digne de ce nom à sa seule confidente. Pas question de laisser le père violent de la jeune fille prendre les choses en main ! Bouleversée et confuse, elle se précipite chez lui, vole l’urne funéraire et, malgré les coups, hurle les mots de colère que Mariko a gardés en elle pendant toutes ces années ! Les précieuses cendres sous le bras, Tomoyo se lance dans une course effrénée, en quête de salut pour son amie comme pour elle-même.
My Broken Mariko est édité chez Ki-oon et est vendu au prix de 9,95€.
Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
Au milieu des best-sellers installés depuis longtemps, des nouvelles séries attendues de pied ferme et, de manière générale, de l’actualité manga globalement très dense, difficile de se faire une place au soleil quand on est un one-shot, qui plus est le tout premier d’une nouvelle dessinatrice à connaitre les honneurs d’une publication au format papier en France. D’abord diffusé sur internet avant d’être prépublié au Japon en 2019-2020 sous forme de mini-série de quatre chapitres, My Broken Mariko est cependant une des sorties principales de ce début d’année dans l’Hexagone. Ki-oon a en effet mis les moyens pour offrir au titre de Waka Hirako les moyens de rencontrer le même succès critique qu’au Japon. Dossier de presse à destination des médias, manga imprimé en grand format, interview et première œuvre de l’auteur inclus en bonus, l’éditeur n’a pas chômé pour faire de ce titre un bel ouvrage pouvant espérer toucher un public plus large, peut-être plus adulte et portés sur les émotions transmises que sur la complexité du récit.
Suivant le périple de Tomoyo, une jeune femme ayant appris le suicide de son amie Mariko avant de voler son urne funéraire pour lui rendre hommage lors d’un road-trip à destination de la mer, les 150 pages sur lesquelles se déroulent My Broken Mariko ne sont en effet pas là pour véritablement dérouler une histoire mais bien plus pour faire plonger le lecteur dans les sentiments de cette femme totalement bouleversée par la mort de cet être cher. N’espérez donc pas voir de scénario touffu ou de péripéties incroyables. Cette fuite en avant de Tomoyo, que l’on peut aisément imaginer symboliser le chemin du deuil à parcourir, est effet surtout l’occasion de se replonger dans le passé des deux amies et de toucher du doigt les raisons qui ont amené Mariko à être brisée, d’où le titre du manga, puis à mettre un terme à ses jours prématurément.
Inspiré par les violences subies par sa mère et d’une amie d’enfance, chose qu’elle explique dans l’interview en postface, Waka Hirako nous offre un récit poignant, à la nervosité palpable, mais pour autant écrit avec beaucoup de sensibilité et ne tombant jamais dans la facilité du pathos larmoyant. Toujours en train de pleurer, de crier, de courir, de s’agiter, l’héroïne est ainsi constamment au bord de la rupture mais également sur le chemin de l’acceptation de la perte de son amie. Colère, désespoir, culpabilité, le torrent d’émotion qui traverse Tomoyo se retrouve également dans le dessin au style particulier. Parfois rempli de douceur, mais également par moment débordant de rage avec des visages déformés sous le poids des émotions. Au point parfois de frôler le tragi-comique. Un style graphique unique qui contribue de faire de My Broken Mariko une œuvre particulière, un portrait de deux femmes dont les malheurs font écho aux troubles de nos sociétés marquées par la libération de la parole féminine.