Alors que les fans sont dans l’expectative d’un hypothétique quatrième opus, la série Shenmue fait son retour en ce début d’année avec une déclinaison en série anime grâce à Crunchyroll and Adult Swim. Après un Shenmue III au développement compliqué et au résultat discutable, cette adaptation de ce qui fût à une époque le jeu le plus cher de l’Histoire va-t-elle de nouveau faire rimer Shenmue avec excellence ?
Les fans de Shenmue reviennent de loin. Laissés pendant de bien trop longues années sur le bord du chemin, ils durent attendre presque vingt ans avant de pouvoir bénéficier d’une suite à cette histoire laissée en plan de manière dramatique en 2001 sur Dreamcast. Développé avec un budget restreint obtenu suite à une campagne de financement participatif, Shenmue III fût une expérience particulière. Totalement dépassé techniquement et ancré dans le passé, le jeu était quelque part ce qu’il aurait dû être s’il était sorti en 2003, un filtre HD en plus. Une expérience anachronique, qui a su cependant satisfaire la majorité des fans, même si le commun des mortels ne comprenait pas comment il était possible de fermer les yeux sur autant de lacunes.
Quelque part, Shenmue the Animation est l’équivalent au format animation de ce que fût Shenmue III en son temps. Réalisé avec un budget limité, la série porte visuellement les stigmates de son manque de moyens. Si les décors sont globalement au niveau et retranscrivent bien l’ambiance du jeu d’origine, les personnages sont quant à eux globalement ratés. Rudimentaire, hésitant et manquant cruellement de détails, le dessin n’atteint clairement pas le niveau de ce qu’on attend d’une série même de moyenne gamme en 2022. Si l’illusion peut à peu près faire effet lors des plans rapprochés, le résultat vire carrément au catastrophique dès que la caméra prend un peu de recul.
Dans l’impossibilité de s’étendre sur plus de 13 épisodes, la série voit son introduction totalement rushé. Alors que le début de Shenmue premier du nom est un modèle d’entrée en matière dramatique, ce passage est dans sa déclinaison anime globalement raté avec une durée passant de 6 à seulement 2 minutes et des cuts assez brutales. Conséquence logique, on peine à ressentir grand-chose quand le paternel de Ryô rend son dernier souffle alors qu’il s’agit quand même de l’élément déclencheur de toute l’intrigue. Entre fan-service et volonté de faire avancer le scénario rapidement, ce premier épisode introduit à la fois trop de personnages et d’éléments scénaristiques d’un coup pour être appréciable par quelqu’un extérieur à la série jusque-là. Quant aux facilités narratives, avec par exemple le voisin de table au restaurant qui comme par hasard sait que Lan Di est un mafieux et que son groupe est basé au port de Yokosuka, elles contribuent à rendre l’aspect enquête, pourtant au cœur du opus vidéoludique, aux abonnés absent. Les fans pourront évidemment passer outre tout ça, voir ne pas relever ces problèmes, mais le grand public risque lui de ne pas avoir la motivation d’aller plus loin.
Destiné uniquement aux fans, Shenmue the Animation n’est cependant pas irréprochable dans son fan-service. Le design, et la personnalité, de Nozomi pourront ainsi laisser perplexe tout comme le manque de réalisme de certains passages. Pour un titre qui a fait une partie de sa renommée pour son côté « simulation de vie », voir par exemple un karateka combattre avec des lunettes de soleil lors d’une compétition a de quoi faire lever un sourcille en se demandant « pourquoi ? ». Oui, Shenmue fait appel à la magie, aux légendes, et offre des personnages hauts en couleurs. Mais le contrat passé avec le joueur à l’époque était que le jeu soit (selon les normes de son univers) « réaliste », avec des PNJ vivant leur vie, des commerces ayant des horaires, ou encore l’obligation de travailler. Aussi anecdotique que ce soit, combattre un gus avec un tel accoutrement rompt cet équilibre et même la « suspension consentie de l’incrédulité » ne peut l’en empêcher.
Sur une note plus positive, ce premier épisode propose quelques ajouts intéressants qui plairont aux fans comme une plus grande mise en avant de Shenhua au sein du village de Bailu, bourgade que l’on ne découvre véritablement que dans Shenmue III. Quant au voice acting, celui-ci s’avère réussi avec la présence de Masaya Matsukaze (Ryo Hazuki) et Takahiro Sakurai (Lan Di), les deux doubleurs historiques de la série étant entourés de nouveaux noms qui se fondent bien dans le costume des personnages.
A l’heure de faire le bilan de cette première approche avec la série, le constat s’avère donc très mitigé. Certes, certains arriveront à passer outre toutes ces tares, aussi bien de fond et de formes, pour ne profiter que de ces retrouvailles avec Ryô et le Yokosuka des années 80. Mais tout comme pour Shenmue III, la passion ne doit pas l’emporter sur la raison et il convient d’admettre que le résultat est objectivement franchement bancal. Pour l’instant uniquement ?