initialement prépublié dans le magazine Garo entre 1981 et 1984 au Japon, ce n’est que 40 ans plus tard que “Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté” fait enfin son apparition dans les librairies françaises. Une sortie bien tardive, 15 ans après le décès de son autrice à seulement 60 ans, pour une œuvre considérée comme un des premiers manga féministe de l’Histoire.


Je sais tout de mon mari. Je connais la taille de ses caleçons, ses plats préférés, ses manies quand il est agacé, les actrices qui lui plaisent… Est-ce qu’il me comprend ? Que sait-il de moi, sinon que je suis sa femme ?

Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté est édité chez Kana et est vendu au prix de 18,50€.

Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.


Née en 1948, Murasaki Yamada est une figure emblématique du manga alternatif japonais. Après avoir débuté sa carrière en 1969, elle a réussie à s’imposer comme la première mangaka féminine d’envergure du magazine avant-gardiste Garo. Son éducation, influencée par sa grand-mère, et sa formation de graphiste et de poète ont profondément marqué son œuvre. Yamada est connue pour ses portraits réalistes de femmes confrontées à des situations familiales complexes et à la quête d’émancipation. Une thématique sans surprise au cœur de Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté.

Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté nous plonge dans le quotidien de Chiharu Yamakawa, une mère au foyer dans le Japon des années 80. Elle s’occupe seule de ses deux filles, Sachi et Chika, tandis que son mari est souvent absent. Le manga explore les défis et les petites joies de la vie domestique, tout en mettant en lumière les frustrations et les aspirations de Chiharu qui ressent de l’amertume, croissante au fil des chapitres, face à l’indifférence de son mari qui semble s’intéresser ni à elle ni à leur foyer.

Souvent considéré comme l’un des premiers mangas féministes, Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté , à travers le personnage de Chiharu, pose des questions essentielles sur le rôle des femmes dans la société et leur quête d’émancipation. Le récit est poignant et encore terriblement actuel, offrant une perspective intime et authentique sur les réalités souvent invisibles de la vie domestique. Même si profondément ancré dans un Japon de l’ère Showa, le message livré par Murasaki Yamada reste puissant et intemporel : il met en lumière la charge mentale des femmes au foyer et leur lutte pour trouver un équilibre entre leurs responsabilités familiales et leurs aspirations personnelles. L’autrice dépeint avec une grande sensibilité les sacrifices et les frustrations de Chiharu, tout en soulignant son courage et sa résilience.

A la fois dépouillé et élégant, Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté bénéficie d’une esthétique minimaliste mais également soignée qui met en valeur la profondeur émotionnelle du récit. Les dessins en noir et blanc sont fins et sensibles, capturant avec justesse les nuances du quotidien de l’héroïne. Ce style graphique épuré rend le propos limpide et accessible tout en ajoutant une dimension poétique. Les traits délicats et les compositions soignées de Yamada créent une atmosphère intimiste où chaque détail visuel contribue à l’immersion du lecteur dans l’univers de Chiharu. Les scènes de la vie quotidienne sont représentées avec une simplicité touchante, permettant de ressentir pleinement les émotions des personnages.

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Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté
9/10

Formidable

Shinkirari – Derrière le rideau, la liberté est une œuvre magistrale dont on peine à comprendre comment cela se fait qu’elle ne soit éditée que maintenant, 40 ans après sa prépublication au Japon. Bien plus qu’un simple manga, c’est une œuvre d’art qui résonne profondément avec les lecteurs, offrant une réflexion poignante sur la condition féminine et la quête d’émancipation. Son style visuel délicat, son récit poignant et son message puissant en font un incontournable, que l’on soit amateur de littérature féministe ou non.