Diptyque signé Fumiyo Kouno, « Dans un recoin de ce monde » nous narre treize années cruciales dans l’Histoire du Japon, du milieu des années 1930 jusqu’à la capitulation nippone, via le prisme de Suzu, une jeune femme originaire de Hiroshima menant une existence modeste. 10 ans après une première publication, le manga faire son retour dans une nouvelle mouture au sein de la collection « Made in » de l’éditeur.


Dans un recoin de ce monde

Suzu Urano est une jeune fille d’Hiroshima. Lorsqu’elle se marie avec le fils de la famille Hojo, elle part vivre chez lui, à Kure, une ville dans laquelle l’aspect militaire est particulièrement présent puisqu’elle dispose entre autres d’une base navale. Alors que leur quotidien se met en place, la jeune femme découvre les déceptions de la vie de couple : quelques souvenirs du passé refont surface… Petit à petit, la vie que Suzu avait pourtant rêvé empire et la guerre n’arrange pas les choses. En 1945, un bombardement va littéralement bouleverser son existence…

Dans un recoin de ce monde est édité chez Kana et est vendu au prix de 15,50€.

Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.


Généralement documentées dans son impact sur les populations locales, comme les destructions de logements ou les victimes, les œuvres traitant de la guerre ne montre que rarement le quotidien des familles loin des lignes de front, loin des pleurs et des drames, mais impactés malgré tout par des conséquences impactant directement leur quotidien. Dans un recoin de ce monde s’éloigne de ce schéma narratif en nous faisant vivre le quotidien, sur plusieurs années, d’une famille tout ce qu’il y a des plus banale, dont la guerre modifie leur vie alors qu’ils n’y participent pas.

Pour ce faire, le manga prend la forme d’une sorte de chronique biographique, jalonnant le passage à l’âge adulte de Suzu, nous faisant partager son quotidien, ses joies, ses peines, ses difficultés mais également ses espoirs. De petite fille insouciante à Hiroshima, on la voit évoluer au fil des chapitres en une femme mariée à un homme qu’elle n’avait pas choisi et devant vivre au sein de sa belle-famille dans la ville de Kure. Maladroite mais également courageuse, Suzu est un personnage attire immédiatement l’empathie en affrontant les épreuves de la guerre sans jamais renier sa fraicheur et une forme d’innocence.

Profondément ancré dans son époque, Dans un recoin de ce monde ne cherche pas à cacher la cruauté de la guerre mais sans jamais tomber pour autant dans une forme de manichéisme. La guerre est omniprésente et les conséquences sur la population civile se font de plus en plus nombreuses au fil des pages, mais le tout est présenté avec une certaine distance, sans jamais chercher à justifier ou à condamner les horreurs qui peuvent arriver. Le cœur du récit n’est d’ailleurs pas là. Il n’est ici pas question de récit humaniste fustigeant le militarisme ou le patriotisme, mais tout simplement de montrer le destin tragique des victimes et survivants ayant vécu cette période.

Bien qu’il s’agisse d’une fiction, le fond de l’histoire suit les faits et les incidents réels et le manga surprend par son habileté à nouer la grande et la ­petite histoire à partir des gestes, des tâches et des émotions les plus ordinaires. Une simplicité que l’on retrouve également dans le dessin de la dessinatrice, épuré, qui contraste avec la dureté des évènements et qui donne une forme de poésie au récit, raisonnant avec la personnalité de Suzu qui se perd dans ses rêves.

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