Longtemps exclusive au Japon, Sakura Wars fait partie de ces séries qui ont nourri les fantasmes des joueurs occidentaux à une époque où l’import était obligatoire pour espérer profiter de ces jeux bien trop nippons pour être localisés en Occident. Débuté en 1996 sur Saturn, c’est uniquement en 2010 que ce mélange de date-sim et de T-RPG a enfin osé sortir de ses terres natales avec Sakura Taisen V sur PlayStation 2 et Nintendo Wii. Une rencontre avec l’Occident sans lendemain, la série tombant dans l’oubli du côté de chez Sega… Dix ans plus tard, la voilà de retour avec un reboot et surtout un gameplay totalement remis à jour. Un choix qui ne devrait pas faire que des heureux.

Ce test de Sakura Wars a été réalisé sur une version fournie par l’éditeur.

En cette époque marquée par l’abondance de portages HD et autres remasters plus ou moins fainéants, l’arrivée d’un reboot a de quoi procurer un certain enthousiasme. Alors quand en plus il s’agit d’une licence historique du jeu vidéo longtemps fantasmée en Occident et tombée en désuétude depuis une décennie, autant dire que le train de la hype n’a pas eu besoin de beaucoup forcer pour nous faire monter à son bord. Remise au goût du jour de la série initiée par Sega en 1996 sur Saturn, Sakura Wars (dont le nom japonais – Shin Sakura Taisen – signifie littéralement « New Sakura Wars ») avait ainsi toutes les cartes en main pour intriguer aussi bien les néophytes que les férus de ce délicieux mélange entre jeu de drague et T-RPG qui a connu ses lettres de noblesses du milieu des années 90 au tournant des années 2000. Premier opus à ne pas être développé par Red Entertainment, abandon du système de T-RPG, character design signé Tite Kubo (Bleach)… Pas de doute, on est bien sur une reprise à zéro. Ne reste plus qu’à voir si ces choix se sont avérés payant.

Un visual-novel qui ne dit pas son nom

Tout comme les précédents opus, Sakura Wars prend place dans une version alternative aux accents steampunk de l’ère Taishô (1912-1926). Le joueur y incarne Seijuro Kamiyama, un jeune militaire tout fraîchement promu capitaine de la Brigade des Fleurs, une troupe qui partage son temps entre défense de Tokyo contre les démons et des représentations sur scène quand il s’agit de devoir tuer le temps. Une troupe composée, évidemment, uniquement de jeunes et jolies demoiselles qui ne manqueront pas de tomber une à une sous le charme d’un des rares protagonistes masculins du jeu. La mission de cet ancien officier de la marine nippone ? Remettre sur les rails cette brigade qui enchaîne les échecs sur les planches et désormais considérée comme une des plus faibles du monde sur le champ de bataille. Et pour cela il faudra amener ses protégées à la victoire lors des prochaines Olympiades interbrigades, compétition se faisant s’affronter les meilleurs escadrons du monde entier. Tout en n’oubliant pas de faire tourner la boutique du côté représentation théâtrale. Une tâche qui s’annonce évidemment loin d’être gagnée.

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Véritable melting pot de ce que peux produire le jeu vidéo japonais, la série des Sakura Wars a toujours fonctionné sur un même triptyque que l’on retrouve aujourd’hui encore relativement inchangé. Une partie exploration/visual-novel, de la simulation de drague, et enfin des combats qui prenaient jusqu’à présent la forme d’un Tactical-RPG. Il convient à ce propos d’être clair dès maintenant histoire d’éviter les mauvaises surprises. Si vous êtes allergiques aux visual-novels ou aux jeux extrêmement verbeux, passez votre tour. En terme de temps de jeu, l’exploration, les dialogues et la drague représentent facilement les 3/4 du temps soit, à la louche, une bonne quinzaine d’heures sur la vingtaine nécessaire pour boucler l’histoire. Plus que les affrontements, c’est donc vraiment dans l’histoire que se trouve le véritable cœur de Sakura Wars.

Une histoire qui manque de piquant

Composé le huit chapitres, chacun étant étant centré sur un personnage de la troupe, Sakura Wars a des accents de série TV avec sa bande-annonce de « l’épisode suivant » et des chapitres comprenant chacun leur sous-intrigue mais avec un fil rouge scénaristique en fond. Une mise en scène qui devrait à première vue assurer au récit un certain dynamisme mais c’est paradoxalement l’effet inverse qui se réalise. Il faut ainsi attendre le dernier tiers du jeu pour voir l’histoire enfin décoller et voir les enjeux clairement apparaître. Jusqu’à ce tournant, on se laisse bercer par une histoire pas vraiment déplaisante mais en rien excitante et le principal intérêt se situe dans les relations que l’on noue avec les personnages.

Véritable mâle alpha, Seijuro Kamiyama est ainsi le love interest de chacune des membres de la troupe. Sans aucune exception. Les chapitres passent et ce cher capitaine se retrouve à batifoler avec chacune des demoiselles comme si rien n’était, passant sans aucune retenue la limite du flirt léger à la drague bien lourde. Pas vraiment crédible, mais surtout bien lourd quand il s’agit d’enchaîner sur les phases de tête à tête. Avec des dialogues impossibles à éviter, ni même à accélérer, et la nécessité de toucher la fille un peu partout pour lui faire sortir des lignes de dialogues, ces séquences sont au mieux lourdes et sans intérêt, au pire gênantes et relativement incohérente vu la relation entre les personnages, et se les farcir relève souvent de l’ordre de la punition.

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Concrètement, notre héros va ainsi se balader dans les quatre coins de la ville à la recherche des membres et entamer la discussion. Soit, évidemment, pour faire avancer l’histoire, soit pour déclencher des dialogues facultatifs ayant pour incidence de modifier votre niveau d’affinité. Il conviendra alors de choisir la bonne réponse aux questions posées dans un temps imparti avec, à la clé, une fin différente en fonction de qui aura le bonheur d’être choisi par le capitaine comme étant son âme sœur. A noter qu’il est facile de se concentrer uniquement sur la personne de son choix, la position de chacun des personnages étant indiqué sur la carte du jeu.

Une forme au top, un fond pas glop

Passons maintenant à la nouveauté de se reboot qui va sûrement faire grincer de nombreuses dents : le système de combat. Alors que la série a toujours mis en scène ses affrontements sous forme de Tactical-RPG, Sega a fait le choix plutôt osé de tout reprendre de zéro, probablement dans l’optique de plaire à un public plus large et surtout plus occidental. Exit donc les affrontements tactiques, mais exit également la dimension RPG. Nous sommes désormais face à un de l’action pure et dure en temps réel avec un niveau de subtilité que même les Mûso dépasse sans problème. Deux boutons pour attaquer et faire des enchaînements, un bouton d’attaque spéciale qu’on peut activer une fois accumulé assez de cristaux, et basta. Aucune capacité à débloquer, pas d’armement, pas d’équipement, pas de compétences à apprendre, pas de points d’expérience à grappiller, strictement rien… Rajoutez par dessus une difficulté aux abonnés absent, les phases de combat se résument ainsi à avancer sans se poser de question et à nettoyer les zones en mitraillant sa manette sans se poser aucune question. Alors quand en plus ces passages se déroulent toujours dans le même décors, il suffit d’une poignée de chapitres pour être gavée de ces segments qui devaient normalement permettre au joueur de se défouler un grand coup entre deux séquences de drague lourde. Vraiment dommage.

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Décevant sur le fond, sans être désagréable à jouer pour autant, Sakura Wars excelle cependant pour tout ce qui touche à son enrobage. Phases de combat mises à part (voir plus haut), c’est un quasi-sans faute que nous a pondu Sega avec cet univers fantasmé de l’ère Taishô steampunk. Le character-design a également été confié à des artistes de renoms avec notamment Tite Kubo (Bleach) en tant que designer principal mais également d’autres célébrités du milieu réaliser le design de chacun des membres des autres troupes (Yukiko Horiguchi, Noizi Ito, ….). En plus d’être bien dessinés, les personnages sont également plein de vie grâce à l’excellent travail des doubleurs japonais. Encore une fois, Sega a fait appel à des célébrités du milieu (Tomokazu Sugita, Yui Ishikawa, ….) assurant une qualité de doublages bien au dessus de la moyenne. On aurait cependant apprécié que l’intégralité des séquences soit doublées, certaines étant uniquement composées de textes, par ailleurs intégralement en français. Réussi visuellement, Sakura Wars l’est également au niveau de sa partie musicale. L’univers musical de la série est bien là, et avec lui le fameux thème Geki! Teikoku Kagekidan, grâce à la présence au casting de Kohei Tanaka, compositeur historique de la série. Mais comme pour le reste, on aurait aimé que Sega aille un peu plus loin que le strict minimum et offre plus de variété dans les compositions, le jeu donnant l’impression de faire tourner en boucle une poignée de mélodies.

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Sakura Wars
Note des lecteurs0 Note0
Les plus
L'esthétique générale du jeu
Un character design plutôt bien senti
Les musiques globalement de bonne facture
Très bons doublages
Intégralement en français
Les moins
Une histoire qui met du temps à décoller
Phases de combat sans grand intérêt
De grosses longueurs dans la narration
Les "tête-à-tête" d'une lourdeur infinie
Très, très, très répétitif
6
Intéressant
En deux mots
Trop visual novel pour les uns, trahissant ses origines pour d'autres, difficile d'imaginer Sakura Wars réussir à toucher un nouveau public à l'occasion de ce reboot. Malgré un superbe enrobage, c'est dans le fond que le jeu pèche sur un peu tous les tableaux. La faute à une narration un peu bancale, des séquences de drague extrêmement lourdes, et des affrontements défoulant mais sans aucune subtilité. On était en droit d'en attendre un peu plus pour un retour attendu depuis si longtemps.