Présent en France au début du mois afin d’assurer la promotion de The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel III auprès des médias, Toshihiro Kondo, président de Nihon Falcom, nous a accordé de son temps pour répondre à nos questions.

Un grand merci à Koch Media pour l’organisation de cet entretien.

Interview de Toshihiro Kondo (Président de Nihon Falcom)

Pourriez-vous vous présenter et préciser vos fonctions chez Nihon Falcom ?

Toshihiro Kondo : Je m’appelle Toshihiro Kondo et je suis président de Nihon Falcom depuis que j’ai 32 ans (NDLR : il a 44 ans). Je suis également directement impliqué dans le développement des jeux en m’occupant du scénario ou encore du planning.

Comment êtes-vous arrivé à travailler chez Falcom ? J’ai entendu dire que tout a commencé avec la création d’un site internet consacré à The Legend of Heroes II: Prophecy of the Moonlight Witch.

Toshihiro Kondo : Lors de mes études d’économie à l’université, j’avais intégré un club de recherche consacré à Internet et j’ai eu un jour à créer un site internet. J’ai ainsi mis sur pied un site consacré à The Legend of Heroes II: Prophecy of the Moonlight Witch (Note : il s’agit en fait du 3ème opus de la série, malgré sa numérotation) qui est un jeu que j’affectionne beaucoup. A l’époque, il n’y avait pas encore de régulation et tout le monde utilisait des photos ou des illustration sans l’accord des ayant-droits. Mais je n’étais pas très rassuré pour autant et j’ai contacté directement Falcom pour vérifier avec eux si cela ne posait pas de problème.

Par la suite, Falcom m’a recontacté pour un autre sujet en rapport avec le site. Je ne sais plus vraiment ce que j’ai répondu mais le fondateur de la société, avec qui j’échangeais, a trouvé que j’écrivais comme un vieux et c’est comme ça que de fils en aiguilles on m’a reconnu comme la personne qui s’occupe du site de The Legend of Heroes II: Prophecy of the Moonlight Witch. J’ai par la suite contacté Falcom quand je cherchais un emploi après mes études. Après avoir été invité à visiter leurs locaux, j’ai postulé puis été embauché.

Je vais dévier un peu du sujet, mais à l’époque le jeu vidéo n’avait pas une très bonne image et mes parents étaient farouchement opposés à ce que je travaille dans ce secteur. Alors que je cherchais un moyen de les convaincre, le président de l’époque m’a dis de dîner avec un salarié de Falcom. Il s’agissait en fait de Makoto Shinkai. (rires).

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Vous êtes devenus président de Falcom en 2007 en prenant la succession de son fondateur, Masayuki Kato. Quel a été votre parcours au sein de la société avant d’atteindre ce poste ?

Toshihiro Kondo : Je n’avais strictement aucune compétences en dessin ou en programmation quand j’ai intégré Falcom. Pendant une année, je me suis ainsi occupé des serveurs, du site internet, ou encore de rédiger les manuels de jeux. Pour réaliser cette dernière tâche, il me fallait donc y jouer et je faisais part aux équipes de développement de mes commentaires. Ces derniers les écoutaient avec attention et c’est comme cela que je suis devenu petit à petit impliqué dans le développement des jeux.

Après une année, Masayuki Kato m’a demandé d’écrire le scénario additionnel du remake de The Legend of Heroes II: Prophecy of the Moonlight Witch qui était en cours de développement sur Windows. J’ai par la suite été naturellement impliqué dans le développement des jeux et j’ai eu à m’occuper du planning, du project management, ou encore du contrôle qualité.

Continuez-vous à être impliqué directement dans le développement ?

Toshihiro Kondo : J’écris moi-même le scénario des jeux Ys et ce fût donc le cas pour Ys VIII et Ys IX. Concernant The Legend of Heroes, je contribue à l’élaboration du système de combat et vérifie également la qualité du jeu, s’il est bien équilibré.

Comment décrieriez-vous l’esprit qui anime Falcom ?

Toshihiro Kondo : Falcom a depuis toujours la volonté de développer des jeux qui soient peaufinés dans les moindres détails. Il existe beaucoup de développeurs de jeux vidéo mais peu sont ceux pouvant bomber le torse en pouvant être fier de l’intégralité des jeux qu’ils développent. Chez Falcom, et pour n’importe quelle de nos séries, nous cherchons à atteindre le meilleur niveau de qualité possible.

Nihon Falcom est une société historiquement liée au PC mais vos jeux sortent depuis plusieurs année en priorité sur console. Quelle est, à l’heure actuelle, la position de Falcom au sujet du PC ?

Toshihiro Kondo : Au départ, les jeux Falcom ne sortaient que sur ordinateur mais le marché domestique du PC s’est drastiquement réduit il y a de cela une dizaine d’années, engendrant une bascule vers les consoles. Mais le marché a encore changé et celui-ci s’agrandit désormais grâce à Steam. Nous privilégions toujours les consoles mais nous sortons également nos jeux sur PC grâce à l’aide de nos partenaires.

Vos jeux sont actuellement portés sur Steam à l’international mais envisagez-vous également de les sortir sur l’Epic Game Store ?

Toshihiro Kondo : Ce sont nos distributeurs, comme NIS America dans le cas actuel, qui décident ce genre de chose pour les ventes digitales en Occident car nous ne connaissons pas vraiment ce marché.

Quelle part représentent actuellement les ventes à l’international et dans quel mesure cela impacte-t-il le développement de vos jeux ?

Toshihiro Kondo : L’international représente environ 30 à 40% de nos ventes depuis quelques années. Le nombre de personnes jouant à nos jeux est en augmentation en Occident mais également en Asie. Il y a eu une vraie prise de conscience durant les 10 dernières années. Jusque là, nous ne pensions pas que les étrangers seraient intéressés par des jeux aussi bavards et les distributeurs étrangers n’étaient pas motivés en raison du volume important de textes à traduire. Puis, nous avons observé que la demande augmentait tout comme les chiffres de ventes. Dans le cas de Ys VIII, ou peut-être un peu avant, les ventes sur PS Vita étaient similaires au Japon et en Amérique du Nord. Cela nous a ammené à considérer sérieusement le marché international. Cela remonte à 4 ou 5 années.

En tant que japonais, nous ne savons pas forcément ce qui plait au public étranger et nous développons donc nos jeux pour le public japonais. Mais cela évolue petit à petit. Le J-RPG est un genre plutôt linéaire qui a ses mérites mais les étrangers aiment beaucoup jeux en monde ouvert. C’est quelque chose que l’on m’a beaucoup dis quand je suis venu en Europe il y a deux ou trois ans. Dans Ys IX, la progression est linéaire mais bascule sur une sorte de monde ouvert une fois certains événements passés. Par ailleurs, le Adol de Ys IX est le plus âgé de la série car nous avons eu de nombreux retours nous disant que le public étranger n’était pas réceptif aux héros trop jeunes.

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Sur le marché des consoles, Falcom est historiquement lié aux consoles Sony depuis la PlayStation 2. Vous sortiez notamment vos jeux sur les consoles portables de Sony. Avec la fin de la PS Vita, comment abordez-vous le marché des consoles portables ?

Toshihiro Kondo : C’est une question compliquée. Si l’on ne considère que le Japon, les joueurs de J-RPG sont majoritairement sur PlayStation et peu se trouvent sur Nintendo Switch. C’est pour cela que nous ciblons principalement les consoles Sony. Mais à l’étranger, la situation est différente et les ventes de Ys VIII sont globalement identiques sur consoles PlayStation et Switch. Le marché étranger à donc son influence et si à l’avenir nous avons l’opportunité de sortir nos jeux sur Switch, nous pourrions le faire.

Plus de 30 ans après leurs débuts, qu’est-ce qui fait selon vous le succès des séries Ys et The Legend of Heroes après tant d’années ?

Toshihiro Kondo : Je pense que la principale raison est que Falcom ne trahit pas l’esprit de ces séries. Généralement, quand une série dure en longueur, l’équipe de développement perd en motivation et cela se ressent dans la qualité des jeux. Mais nous avons une équipe de développement de petite taille et qui donne tout pour que la qualité générale progresse au fil des épisodes. Par exemple, The Legend of Heroes est réputé pour avoir un scénario intéressant. Donc, quand on se décide de faire un bon scénario, on fait tout pour que celui-ci soit réellement bon scénario. Cela peut sembler être une évidence mais tout le monde n’en est pas capable.

Quels sont vos plans pour le futur en dehors des séries Ys et The Legend of Heroes ?

Toshihiro Kondo : Notre équipe de développement est composée de 40 personnes environ mais cela n’est pas suffisant pour nous permettre d’aborder le développement de jeux issus de trois séries différentes en même temps. Au Japon, Tokyo Xanadu a reçu un accueil chaleureux au Japon mais il serait impossible de développer une suite sans augmenter la taille de nos équipes. Pour vous donner un ordre d’idée, il a fallu trois ans pour développer les deux premiers Trails of Cold Steel, dont deux juste pour le premier opus. Concernant Ys, il nous faut entre un an et demi et deux ans, mais l’équipe est plus restreinte.

Trails of Cold Steel III est le premier épisode à être exclusif à la PlayStation 4. Qu’est-ce que cela a changé dans le développement du jeu ?

Toshihiro Kondo : A l’époque de la PS Vita, nous étions limités techniquement pour les deux premiers opus donc nous avons ainsi pu améliorer les graphismes, les expressions faciales ainsi que la manière de jouer des personnages. La PlayStation 4 ayant également plus de boutons, cela nous a permis d’améliorer le rythme des combats et de les rendre plus agréables à jouer.

Avez-vous des informations concernant la sortie de Trails of Cold Steel IV en Occident ?

Toshihiro Kondo : J’ai envie que les joueurs ayant aimé Trails of Cold Steel III puissent rapidement y jouer, mais ces questions dépendent de notre distributeur à l’international et nous n’avons pas de pouvoir de décision dessus.

J’imagine que la réponse sera la même mais avez-vous une idée de la date de sortie de Ys IX en Occident ?

Toshihiro Kondo : (Rires). Comme discuté auparavant, nous avons pris en compte les retours des joueurs occidentaux pour développer Ys IX donc j’ai envie qu’il sorte rapidement en Occident. Mais le travail de localisation n’a pas encore débuté et il nous faut dans un premier temps en discuter avec notre distributeur à l’étranger.