Présent à Paris pour présenter le line-up de NIS America pour l’année 2020, Alan Costa a accepté de répondre à nos nombreuses questions lors d’une longue et passionnante interview de près d’une heure. Après avoir abordé dans une première partie le cas de NIS America de manière générale, place aujourd’hui au cas plus particulier de la localisation des jeux et de la manière dont l’éditeur s’en occupe.
Un grand merci à Koch Media pour l’organisation de cet entretien. La première partie de cet entretien est disponible en cliquant ici.
Interview de Alan Costa (Producteur chez NIS America)
Sur quels critères décidez-vous la ou les langues dans lesquelles sont localisés les jeux ?
Alan Costa : On aborde un sujet qui énerve particulièrement les gens mais la raison est simple et dépend d’un seul et unique élément : l’argent. Localiser un jeu coûte extrêmement cher, tout particulièrement dans les langues autres que l’anglais. Pour être totalement honnête, le seul pays réellement digne d’intérêt pour traduire un jeu est la France. L’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne sont des marchés pas assez importants pour justifier des localisations. Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas envie de le faire, juste que cela demanderait trop d’argent et de temps pour des marchés pas assez conséquent. Mais ce n’est pas pour autant que tous nos titres sont localisés en français. Pour les même raisons, il est question de voir les frais engagés et la possibilité de les couvrir.
Quels sont les principaux postes de dépenses pour localiser un jeu ?
Alan Costa : Les coûts de bases pour localiser un jeu sont évidemment la traduction, le doublage si il y en a, mais également quelque chose que tout le monde oublie : le débug. Et ça coûte énormément d’argent. Le plus lourd en terme de budget est la traduction qui représente de 70% à 80% des coûts. Le débug pèse pour environ 20%.
Sur la partie débug, le plus gros poste budgétaire vient du nombre de testeurs qu’il aura été nécessaire de recruter. Il y a également des frais internes car il faut une équipe pour gérer le processus de débug. C’est un travail qui prend énormément de temps et coûte très cher car il ne suffit pas de dire « corrigez ça » pour que tout soit réglé. Il faut récupérer une nouvelle version, vérifier que le bug en question est résolu, … Après, les proportions varient en fonction des jeux. Un titre comme Trails of Cold Steel c’est 3 millions de caractères à traduire ce qui fait exploser le budget par exemple.
En quoi consiste justement le « débug » dans le cas d’une localisation ?
Alan Costa : Il ne s’agit pas de bugs « système », comme un écran noir ou un personnage qui traverse les murs. Ce genre de soucis sont déjà réglés, normalement, au Japon mais on va évidemment faire remonter l’information si on en trouve par nous même. Dans notre cas, le debug consiste à vérifier par exemple que les textes ne sortent pas des cases, que les termes traduits sont cohérents, que les personnages gardent bien la même manière de parler.
Par exemple, dans Trails of Cold Steel, un part importante du débug est de vérifier la cohérence du lore et du background avec les anciens opus. Pour un jeu comme Culdcept Revolt, il y a certes moins de texte mais il fût nécessaire de vérifier une à une les caractéristiques de chaque cartes, la moindre erreur de traduction pouvant rendre le titre injouable.
Dans le cas d’une traduction en français, celle-ci se base-t-elle sur la version japonaise du jeu ou de sa localisation en anglais ?
Alan Costa : Tout se fait directement depuis le japonais. Il nous est ainsi arrivé de recevoir des critiques nous disant que la traduction françaises ne correspondait pas avec celle en anglais. Mais c’est tout à fait normal car les traducteurs français traduisent directement depuis la langue d’origine sans se référer à l’anglais. Les éventuelles différences entre les traductions françaises et anglaises ne sont ainsi pas des erreurs.
La sortie de Ys VIII en Occident fût jalonnée de problèmes, que ce soit sur PlayStation 4 pour sa traduction anglaise que sur PC pour le côté technique. Que c’est-il passé ?
Alan Costa : Concernant la localisation anglaise du jeu, le problème venait de la traduction en elle-même. Le travail réalisé était de très basse qualité. Le problème n’était pas vraiment d’ordre grammatical mais le rendu n’était pas naturel du tout. Quand le jeu est sorti, nous avons rapidement eu des retours à ce sujet et il fût décidé de refaire la localisation du jeu, celui-ci étant important tout comme notre relation avec Falcom.
Concernant la version PC de Ys VIII, les problèmes étaient d’ordre technique. Mais je suis heureux de dire que depuis quelques semaines un moddeur du nom de Durante a sorti un patch réglant les derniers problèmes que nous n’avions pas pu corriger.
Pouvez-vous nous expliquer comment est composée une équipe de localisation ?
Alan Costa : Pour l’anglais, tout le travail de localisation est réalisé en interne. Nous avons généralement une équipe de deux personnes composée d’un traducteur et d’un éditeur. Le traducteur traduit le sens brut tandis que l’éditeur amende le texte pour le rendre plus fluide et agréable à lire. Pour le français, nous faisons appel directement à des traducteurs externes.
Concernant la sélection en elle-même, dans le cas de l’anglais, nous regardons déjà qui est disponible car nous travaillons sur plusieurs projets en même temps. On prend également en compte les forces de chacun. Certains auront ainsi plus d’aisance avec les univers fantasy, d’autres sont plus à l’aises avec la traduction de textes humoristiques, etc… Dans le cas du français, on regarde surtout si le traducteur a les compétences linguistiques pour assurer ce travail.
Pour un jeu comme Trails of Cold Steel, nous avons une équipe de 3/4 traducteurs, que ce soit pour l’anglais ou le français. Avec à chaque fois un traducteur en chef et un éditeur en chef.