Présent à Paris pour présenter le line-up de NIS America pour l’année 2020, Alan Costa a accepté de répondre à nos nombreuses questions lors d’une longue et passionnante interview de près d’une heure. Un entretien que vous pourrez découvrir en deux parties, la première portant sur NIS America de manière générale avant d’aborder le cas particulier de la localisation des jeux dans un second temps.

Un grand merci à Koch Media pour l’organisation de cet entretien.

Interview de Alan Costa (Producteur chez NIS America)

NIS America est une structure fondée en 2003 par Nippon Ichi Software pour localiser ses jeux en Occident. Comment une si petite structure, dont le siège se trouve dans la campagne nippone, s’est lancée dans une telle aventure alors qu’on aurait pu la penser totalement orientée sur le marché intérieur japonais ?

Alan Costa : Jusqu’à Phantom Brave, les jeux Nippon Ichi Software étaient édités en Amérique du Nord par Atlus. Sur PlayStation 2, le premier Disgaea, également édité par Atlus, fût un énorme succès et Nippon Ichi Software a découvert à cette occasion qu’il existait en Occident un marché intéressant à développer. C’est ainsi qu’il fût décidé d’ouvrir une filiale aux USA.

Quelle est la relation entre NIS America et Nippon Ichi Software ?

Alan Costa : NIS America est détenue à 100% par Nippon Ichi Software. Le quotidien est géré par notre CEO Monsieur Yamashita, mais le siège japonais supervise le tout.

Il y a encore une quinzaine d’années, il n’y avait pas encore énormément de jeux de niche japonais en France, comme par exemple les visual novel ou les J-RPG à petit budget. Aux USA, vous étiez cependant plus gâté que nous, même si ce n’était pas pour autant parfait. Quand est-ce que la vision de NIS America, et plus généralement des acteurs japonais, a changé concernant le marché européen ?

Alan Costa : La PlayStation 2 fût un énorme succès partout dans le monde et une excellente opportunité pour les acteurs japonais de développer leurs activités à l’international. L’Europe était un marché jusqu’alors assez ignoré, mais la PlayStation 2 s’y est très bien vendu et le Japon a réalisé que c’était un marché intéressant.

NIS America ne travaille pas qu’avec Nippon Ichi Software mais également avec d’autres développeurs. Avez-vous des accords cadres ou les localisations se font au cas par cas ?

Alan Costa : C’est une excellente question car peu de personnes s’intéressent à ce sujet. Le fait est que tout se fait généralement au cas par cas sauf cas particuliers. Je pense par exemple à la relation qu’il existe entre NIS America et Nippon Ichi Software, ou encore celle entre Sega/Atlus et Sega Japan. S’il existe une relation directe, par exemple une filiale, ça se fait naturellement. Dans le cas contraire, cela se décide au cas par cas. Quand on a de très bonnes relations avec un développeur, il est possible de discuter très en amont quand le jeu n’est encore qu’à l’état de projet. Quand nous récupérons un jeu, nous nous occupons généralement du territoire nord-américain et de l’Europe. Plus rarement, ils nous arrive de nous occuper de l’Asie.

The Longest Five Minutes screenshot battle

NIS America édite des jeux plutôt de niche mais tous ou presque sortent au format physique. Etes-vous particulièrement attaché à ce format ? Vous éditez également beaucoup de collectors. Voyez-vous ces versions comme étant le futur du format physique ?

Alan Costa : Il existe évidemment un risque d’éditer des jeux au format physique. En raison du coût, évidemment, mais également car il faut réussir à convaincre les magasins de nous prendre des exemplaires. Mais il y a deux raisons qui font que nous soutenons ce support. La première est que notre clientèle y est attachée et nous devons donc répondre à cette attente. La seconde est d’ordre plus psychologique. Le format physique donne plus de prestige à un jeu. Un jeu au format uniquement dématérialisé donne une impression de titre low-cost. Il est important que les joueurs puissent voir nos jeux dans les vitrines de leurs magasins et puissent se dire « ah, je veux prendre ce jeu ».

Après, on ne peut pas nier l’évolution du numérique dans notre industrie. Nous avons également évolué de notre côté avec des jeux commercialisés au format numérique et dont la version physique est exclusivement un collector. Je pense par exemple à Lapis x Labyrinth. Nous n’avons pas pour ambition de faire comme ça pour tous nos jeux, mais on peut dire sans trop prendre de risques que le futur tend vers ce genre de modèle.

Pour prendre deux jeux aux ambitions différentes, pouvez-vous nous dire combien de copies il faut vendre pour rentabiliser un titre ambitieux comme Trails of Cold Steel et un autre plus confidentiel comme Culdcept Revolt ?

Alan Costa : Je ne peux pas vous dire de chiffres, ce n’est pas vraiment quelque chose que l’on décide de notre côté. Tout est fonction des discussions que nous avons avec les revendeurs. Des fois, tout se passe facilement. D’autre fois, ils faut faire un peu le forcing. Pour l’Europe, nous ne faisons pas ça directement et nous dépendons des équipes de Koch Media. Chaque pays est différent et il est important d’avoir de bons partenaires locaux. Quand un jeu est disponible sur l’eShop ou le PlayStation Store, il faut réussir à avancer de bons arguments pour qu’un revendeur accepte de mettre le jeu sur ses étagères.

Concernant Culdcept Revolt, ce fût un peu compliqué. Les critiques furent plutôt bonnes et le jeu a une petite fan-base. Mais je ne pense pas qu’il ait intéressé le public de manière générale. Le jeu n’est pas impressionnant graphiquement, ce qui a surement repoussé certaines personnes. Mais on aimerait encore travailler sur cette licence. Il faudra juste que l’on discute de nombreuses choses comme par exemple la manière de promouvoir le jeu. Il y a très peu de cas où l’on ferme la porte. C’est le meilleur moyen de faire fuir un partenaire.

Culdcept Revolt

Quelle particularités a le marché français comparé aux autres ?

Alan Costa : Les français apprécient les jeux artistiques, bien plus que les américains. Honnêtement, beaucoup de joueurs américains ne jouent pas à à titre si celui-ci n’est pas beau ou impressionnant techniquement. Les français sont beaucoup plus enclin de donner une chance à ce genre de titres. Le public français a ainsi réservé un accueil chaleureux à Destiny Connect l’année dernière en raison de son style artistique et de son atmosphère, bien plus que les autres pays hormis peut-être le Japon. A l’opposé, les joueurs allemands veulent connaitre tous les détails techniques, le nombre d’images par secondes… Les français veulent qu’on leur parle de l’artiste, de sa vision du jeu.

Pendant longtemps les jeux Nihon Falcom étaient associés aux consoles PlayStation. Mais on voit maintenant des titres comme Trails of Cold Steel III débarquer sur Switch. Qu’est-ce qui explique ce changement ?

Alan Costa : On sait depuis les sorties de Disgaea 5 Complete et Ys VIII sur Switch qu’il y a un marché pour ce genre de jeux sur cette console. Au début, il y a eu beaucoup d’hésitations pour porter Disgaea 5 Complete sur Switch mais il s’est très bien vendu. Sur d’anciennes licence cela peut être un peu plus compliqué mais il est facile d’apporter de nouvelles licences sur Switch. Ensuite, Sony quittant le marché du jeu portable, il ne reste que la Switch sur ce créneau. Et nous pensons qu’il y a beaucoup d’opportunités à saisir sur ce marché.

Trails of Cold Steel III

Lors de notre entretien à l’automne dernier avec Toshihiro Kondo, le président de Nihon Falcom, celui-ci nous avait indiqué que Falcom était en discussion concernant la localisation de Ys IX. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Alan Costa : Je ne peux rien vous dire de plus que nous travaillons sur ce sujet. Je ne peux rien vous annoncer pour le moment.

Dans l’hypothèse où vous seriez en charge de la localisation de Ys IX, peut-on imaginer une sortie sur Switch moins tardive que dans le cas de Ys VIII ?

Alan Costa : Idéalement, nous aimerions que tout sorte rapidement. Mais un portage prend beaucoup de temps et la Switch étant moins puissante que la PlayStation 4, il y a un travail d’optimisation important à faire. Donc si nous étions amenés à travailler sur Ys IX, nous aimerions qu’il y ait une version Switch mais il est difficile de dire le timing à laquelle elle sortirait. Mais tout ça n’est que pure spéculation.

Fin de la première partie de l’interview