Dans Moriarty, le plus redoutable ennemi de Sherlock Holmes abandonne ses habits de « Napoléon du crime » pour ceux d’un défenseur des classes opprimées dans l’Angleterre du XIXème siècle.
Bien qu’étant apparu dans seulement deux des soixante aventures de Sherlock Holmes, le Professeur Moriarty est un des personnages les plus emblématiques des romans de Arthur Conan Doyle en étant considéré comme le pire ennemi du plus célèbre des détectives. Véritable génie du mal et surnommé par Holmes lui-même comme étant le « Napoléon du crime », Moriarty est l’archétype du méchant parfait de tout bon roman d’enquête. Extrêmement intelligent et aussi méticuleux que profondément cruel, l’homme se cache derrière une apparence des plus lisses, celle d’un fils de bonne famille doublé d’une réputation de brillant mathématicien lui ayant permis d’obtenir la chaire de mathématiques d’une université. Bref, pas forcément le personnage que l’on imaginerait devenir le héros d’un manga.
Et pourtant. Depuis septembre 2016, Moriarty bénéficie dans Jump Comic SQ d’un manga reprenant l’univers de Sherlock Holmes tout en prenant le point de vue de cet assassin de légende. Mais loin de reprendre au pied de la lettre l’univers imaginé par Arthur Conan Doyle, Ryosuke Takeuchi (accompagné de Hikaru Miyoshi au dessin) nous proposent ici une relecture complète de ce personnage dont personne imaginerait y trouver une once d’humanité ou de valeurs morales. Si le manga reprend les grandes lignes du personnage, le Moriarty de Ryosuke Takeuchi s’éloigne grandement de son modèle en lui conférant une cause sociale à défendre et pour laquelle il mettra à profit son intelligence hors normes.
Le combat de ce Moriarty sauce japonaise ? Le système de classes de l’Empire Britannique et les inégalités, pour ne pas dire les discriminations, qui en découlent. Recueilli par les Moriarty, une riche famille d’aristocrates, alors qu’il était orphelin avec son frère, William James va assassiner méthodiquement sa famille d’accueil suite à la demande d’Albert, le fils aîné des Moriarty, celui-ci abhorrant ce système de classes dans lequel il était enfermé. Prenant avec son frère l’identité des enfants qu’ils ont assassinés, les deux orphelins vont récupérer ainsi le statut et les privilèges rattachés à leur nouvelle condition de notables. Mais ce n’est que pour mieux faire exploser de l’intérieur ce système basé sur une profonde hiérarchie sociale en assassinant de sang froid les aristocrates méritant, selon eux, la sentence suprême.
En étant à la fois animé par une juste cause tout en étant un criminel sans état d’âmes, difficile pour l’instant de savoir si Moriarty est aussi « bon » que ce que ce premier volume pourrait laisser penser. Sa quête de la justice semble par moment beaucoup plus tenir du prétexte que du véritable combat motivé par un idéal social tant il semble prendre du plaisir à élaborer minutieusement ses plans et de voir périr ses victimes. Les prochains volumes, qui devraient enfin mettre en scène Sherlock Holmes, devraient permettre de mieux juger la véritable personnalité de chacun des protagonistes. Il faudra pour cela attendre le mois de septembre prochain et la sortie du second volume en librairie. Un tome que l’on attendra avec grande impatience après cette entrée en matière franchement réussie.
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Synopsis
19e siècle en Angleterre, la famille Moriarty a recueilli deux orphelins William et Louis mais en leur conférant un statut de domestique. Albert, le fils aîné de la famille est pétri d’ambition et il déteste le système social qui régit la société britannique, dans lequel les classes supérieures se pavanent et oppressent le peuple sans pour autant être dignes du respect qu’elles exigent de lui. C’est pourquoi Albert abhorre sa propre famille et voit dans les deux orphelins l’incarnation d’un souffle nouveau. Albert leur offre son statut, sa richesse et son influence à condition que les garçons mettent leur intelligence au service de son rêve : se débarrasser de sa famille et du système de classes actuel ! Les trois garçons complotent ainsi pour devenir les seuls héritiers de la famille. Treize ans plus tard, à seulement 21 ans, l’aîné des orphelins William James Moriarty est devenu professeur de mathématiques à l’Université et il pourrait voir surgir sur sa route un certain Sherlock Holmes…
Moriarty est édité chez Kana et est vendu au prix de 6,85€.
Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.