Avec ses deux premiers tomes parus chez Kana, Magilumière redéfinit les codes des Magical Girls en y insufflant une satire sociale percutante derrière un humour acéré. Ce manga, aussi divertissant que pertinent, explore un monde où la magie est devenue une industrie hautement réglementée et où les héroïnes féeriques ne sauvent plus le monde par vocation, mais par obligation professionnelle.

Kana Sakuragi se lance sur le marché du travail et peine à trouver un emploi. Lors d’un énième entretien d’embauche, elle se retrouve face à un monstre qui se cachait dans la salle de l’entretien. Intervient alors Koshigaya, une magical girl travaillant pour la petite start-up Magilumière Co. Ltd. Suite à cette rencontre, Kana intègre le secteur en pleine croissance des magical girl (merveilleux mais aussi semés de dangers insoupçonnés) dans une petite entreprise aux employés atypiques.
Magilumiere Co. Ltd. est édité chez Kana et est vendu au prix de 8,10€.
Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
A première vue, l’intrigue de Magilumière débute de manière ordinaire : Matsuki, une jeune femme fraîchement diplômée, tente de se frayer un chemin sur le marché de l’emploi. La quête d’un contrat stable tourne à l’aigre jusqu’à une rencontre improbable avec Koshigaya, une « Magical Girl » un peu trop désinvolte qui semble porter à elle seule tout le poids du système. Leur collaboration prend une tournure inédite : elles décident de créer une start-up spécialisée dans l’élimination des « Kaii », ces entités magiques semant le chaos dans la société japonaise contemporaine.
Si le manga s’inscrit d’abord dans la tradition des séries d’action fantastiques, il détourne très vite les conventions du genre. Le tropisme classique de l’adolescente combattant des forces maléfiques au nom de l’amour et de la justice laisse place ici à une réflexion audacieuse sur le salariat précaire, la gestion de carrière et les absurdités administratives. Le choix de faire de l’activité héroïque un métier « comme un autre » est le ressort comique principal du récit, mais également un prétexte pour dénoncer la marchandisation des vocations, l’uberisation des talents mais également la précarité des jeunes actifs. Matsuki et Koshigaya, en devenant des entrepreneures, doivent jongler avec des investissements, des contraintes bureaucratiques et des contrats d’assurance aussi exubérants qu’essentiels à leur survie financière.
Magilumière ne se contente donc pas de distraire : il invite également à réfléchir sur les dérives économiques des modèles ultralibéraux. L’idée de transformer les figures héroïques en marques commerciales ou en ressources humaines jetables n’est pas sans rappeler des débats bien réels autour de l’exploitation du travail émotionnel ou des freelances modernes. Chaque combat contre un monstre devient une métaphore du stress professionnel, chaque victoire un sursis face aux échéances.
À travers le duo Matsuki-Koshigaya, le manga dresse un portrait lucide et acerbe de la jeunesse contemporaine. Matsuki est une héroïne attachante, pleine de bonne volonté, mais constamment rattrapée par les défis du quotidien. Son courage et sa détermination, bien qu’admirables, doivent composer avec un monde où la passion ne suffit plus à garantir la stabilité financière. Koshigaya, quant à elle, incarne l’expérience cynique du terrain. Imperturbable, souvent à la limite du burnout, elle apporte une ironie mordante aux dialogues. Son désintérêt apparent pour le protocole est le reflet d’un pragmatisme forcé par des années passées à combattre sans réel soutien institutionnel. Leurs interactions, savoureuses et écrites avec finesse, incarnent un humour piquant sans jamais sombrer dans le pastiche.
Visuellement, Magilumière séduit par son dynamisme. Les scènes d’action, particulièrement lisibles, offrent un spectacle fluide et immersif. Chaque confrontation avec les Kaii devient un tableau où l’absurde côtoie l’épique. Le design des créatures, parfois grotesques et d’autres fois étrangement comiques, renforce l’aspect satirique du récit. Ces monstres, symboles des peurs et des frustrations contemporaines, deviennent des manifestations littérales des obstacles professionnels que les héroïnes doivent surmonter. Les décors urbains détaillés ajoutent une dimension réaliste à cet univers magique indéniablement ancré dans une société très contemporaine.
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Magilumiere Co. Ltd.
Bon
Avec ses deux premiers tomes, Magilumière pose les bases d’une série prometteuse en se distinguant par sa capacité à conjuguer des thématiques complexes avec une légèreté déconcertante et un humour piquant. Un cocktail de satire sociale et de magie industrielle qui pourrait bien réinventer le genre des Magical Girls pour une génération désabusée par les exigences du monde moderne.