Malgré sa couverture tout en couleurs pastelles et son titre qu’on croirait tiré d’une comptine pour enfants, La Princesse et la Bête pourra charmer ceux d’habitude réfractaires aux manga shôjo en alternant efficacement entre récit fantastique et histoire sentimentale.
Le gros sticker « Shôjo Addict » sur sa couverture semblait afficher la couleur. La Princesse et la Bête ne pouvait qu’être une énième histoire à l’eau de rose lorgnant vers le classique de Disney au nom quasi-similaire avec un léger filtre fantastique pour enrober le tout. Et pourtant, après lecture du premier tome de ce manga signé Yu Tomofuji, ce serait quasiment la sensation inverse qui prédominerait. Alors oui, les allergiques aux récits sentimentaux risquent d’avoir des crises d’urticaire durant les scènes très girly disséminés çà et là dans les 192 pages que comptent le volume. Mais il serait dommage de résumer le titre à ces quelques passages finalement distillés avec parcimonie.
Prenant place dans un monde où les humains coexistent avec d’étranges créatures autrefois mangeuses d’Hommes, La Princesse et la Bête raconte l’histoire d’une romance impossible entre une jeune fille destinée à être sacrifiée en raison d’une ancienne tradition et son désigné bourreau, le roi des démons. Ainsi destinée à finir en morceau afin de garantir la paix entre les deux peuples, la jeune Salifie ne va toutefois pas paniquer un seul instant et développer un syndrome de Stockholm foudroyant, il faut l’avouer quelque peu tiré par les cheveux. A peine arrivée, alors qu’elle a été quand même kidnappée puis emmenée dans un royaume hostile aux humains pour y être sacrifiée, Salifie ne va jamais esquisser l’once d’un sentiment de peur et se lier d’affection immédiatement pour ce roi à l’apparence pourtant effrayante. Au bout d’une dizaine de pages, on se retrouve ainsi devant une situation surréaliste où la jeune fille trouve que « le roi est un souverain remarquable » et accepte d’être dévorée par « un roi aussi fort et gentil ». Bref, un concentré de poncifs shôjo où l’héroïne arrive comme par magie à lire dans le cœur du prétendu bad guy même si ils ne se connaissent à peine.
Mais passé cette entrée en matière un peu abrupte et défiant légèrement la logique humain, même si elle a le mérite de mettre efficacement en place le cadre du récit, La Princesse et la Bête fait quasiment passer au second plan la romance entre les deux tourtereaux pour se concentrer sur la manière dont celle-ci est perçu par les sujets du Royaume et les dirigeants des pays avoisinant. Car il ne va pas sans dire que si décider de sauver la vie de Salifie était déjà difficile à accepter pour un peuple hostile aux humains, la prendre pour épouse relève carrément de l’aberration pure et simple pour à peu près tout le monde. Dans ce monde remplis de préjugés où la jeune fille n’est donc pas la bienvenue, le roi se trouve également tiraillé de toutes parts. De par sa nature « spéciale », Leonhart, comme l’a surnommé Salifie, est en fait un roi bienveillant envers ses sujets et ne souhaitant pas perpétuer cette tradition sanglante des sacrifices. Mais d’un autre côté, il se doit de garder cette image de souverain fort afin de préserver sa stature et sa crédibilité.
En prenant place dans un univers visiblement fouillé et en traitant de sujets plutôt lourds (racismes, discrimination, pression sociale, etc…), La Princesse et la Bête s’avère finalement plus « sombre » que l’on aurait pu penser, même si le tout reste traité avec légèreté et humour. Yu Tomofuji nous invite ainsi à nous questionner sur le poids des apparences, un travail qui commence dès la couverture de ce manga, celle-ci laissant imaginer un titre bien plus « gnan-gnan » que ce qu’il est réellement.
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Synopsis
Un territoire défendu, plongé dans une atmosphère hostile… C’est là que vit un peuple de créatures étranges qui, autrefois, dominait et dévorait les hommes. Salifie est la 99e sacrifiée offerte à leur terrifiant roi. Ayant été élevée pour devenir une offrande, la jeune fille ne craint pas ce souverain et attend sagement la nuit de la cérémonie. Lorsque celle-ci découvre les secrets de ce roi qui n’a pas de nom, le destin prend un tournant inattendu pour ces deux êtres que rien ne devait rapprocher…
La Princesse et la Bête est édité chez Pika Edition et est vendu au prix de 6,95€.
Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.