Des ninjas, un chat noir qui parle, un héros rebelle et de la baston. Sur le papier c’est indéniable, tous les ingrédients sont réunis pour faire de Black Torch le manga shônen de ce début d’année en France. Mais tout comme un piètre cuisinier pourra accoucher d’un plat sans saveur malgré de bons ingrédients, un cahier des charges dont on aurait coché toutes les cases n’implique pas forcément d’obtenir un manga de qualité. Heureusement pour nous, s’il existait un guide Michelin des mangaka, Tsuyoshi Takaki serait à coup sûr récompensé d’une étoile.
A en croire son compte Twitter, Tsuyoshi Takaki semble en perpétuel émerveillement face à l’engouement qui accompagne la sortie de Black Torch en France. On ne compte plus les tweets remerciant le public français face aux messages d’encouragements et voir son émotion devant cet accueil qu’il ne semblait pas espérer en est même touchant. Et pourtant, même si c’est involontaire, son oeuvre remplit case par case un cahier des charges créé sur mesure pour charmer le public occidental avec tout d’abord le personnage de Jiro, descendant d’une lignée de ninjas ayant la faculté de communiquer avec les animaux. A la fois rebelle et combattant au grand cœur, il va recueillir chez lui un félin du nom de Rago sans se douter un instant que celui-ci est en fait un Mononoke, une créature surnaturelle dont le passe-temps ordinaire est de dévorer les humains. Cherchant à venir en aide à cet étrange chat pourchassé par ses congénères ainsi que par des exorcistes, Jiro va se retrouver au seuil de la mort après un combat ayant tourné court avant que Rago prenne la décision de fusionner avec lui pour le ramener à la vie.
Déjà passionnant jusque là, Black Torch va prendre réellement son envol quand vont faire leur apparition Ryosuke Shiba et Ichika Kishimojin, deux membres du « Bureau Spécial des Investigations Secrètes ». Une entité gouvernementale composée d’onmitsu, les descendants des ninja sous les ordres de l’empereur durant l’ère Edo. Devenus fonctionnaires, ces derniers sont désormais en charge, entre autre, de surveiller et d’exterminer les Mononoke. Une transposition des ninja dans le monde moderne aussi surprenante que bien trouvée qui permet à l’oeuvre de se dégager des autres manga du genre et de bénéficier d’un cachet unique.
Mais aussi bon soit-il, un scénario original et bien traité ne suffit pas s’il n’est pas accompagné d’un dessin qui soit au niveau. Bien qu’ayant un character-design un poil générique, les personnages de Black Torch n’en restent pas moins très soignés et on décernera une mention spéciale pour Ichika, femme forte au caractère bien trempé auquel l’auteur a apporté beaucoup de soin tout en évitant l’écueil du fan-service de bas étage. Bien qu’il soit difficile de faire dans originalité quand on parle de chat noir, Rago arrive à être terriblement attachant grâce à ses expressions faciales pleines d’émotions, pouvant passer en l’espace de quelques cases du très mignon au très badass. Quand aux scènes de combat, elles sont très dynamiques et proposent des affrontements tout en puissance, à l’image de l’extrait servant d’illustration ci-dessus. De l’aveu même du mangaka, ses influences viennent du jeu vidéo et principalement de Street Fighter et King of Fighters. Pari réussi.
Fidèle à ses habitudes, Ki-oon propose une édition de grande qualité et c’est toujours un réel plaisir de tenir dans ses mains un ouvrage de l’éditeur, avec son papier bien épais et son encrage impeccable. On sent la maison d’édition aussi bien amoureuse que respectueuse des titres de son catalogue et cela fait vraiment plaisir à voir. Pour la traduction, c’est Sébastien Ludmann qui est aux commandes, un traducteur récemment récompensé par le prix Konishi pour sa traduction de Golden Kamui et également derrière les adaptations du fantastique Isabella Bird – Femme Exploratrice. Comme toujours, on retrouve son style consistant … à ne pas à en avoir afin de s’imprégner pleinement des personnages et retranscrire aux mieux leur personnalité. Un travail de haute volée rendant le tout extrêmement naturel, comme si le manga avait été écrit à l’origine en français. Bref, une localisation à la hauteur de l’oeuvre d’origine.
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Jiro n’aspire qu’à vivre tranquille, et pourtant c’est un véritable aimant à problèmes : non seulement il appartient à une lignée de ninjas, mais il a en plus la capacité de communiquer avec les animaux ! Alors quand il trouve un mystérieux chat noir mal en point, il n’hésite pas une seconde à lui venir en aide.
En fait de félin, il a recueilli Rago, un Mononoke surpuissant ! Ces créatures surnaturelles, capables de dévorer les humains, vivent d’ordinaire cachées… Mais Rago est en fuite, poursuivi aussi bien par des exorcistes que par ses propres pairs ! Un démon ne tarde pas à retrouver sa trace, et un combat épique s’engage. Jiro, imbattable contre de simples humains, ne fait pas le poids face à un monstre… Pour sauver son bienfaiteur de la mort, Rago n’a d’autre option que de recourir à une technique de possession. Un humain et un Mononoke alliés dans un même corps, on n’avait jamais vu ça ! Exorcistes ou esprits, quel camp choisiront-ils ?
Black Torch est édité chez Ki-oon et est vendu au prix de 6,90€.
Critique réalisée à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur.